J. Robineau - Julien Robineau, 26 ans, doctorant au sein de la Fédération Française de Rugby au Centre National de Rugby à Marcoussis (91). J’ai une double activité au sein de la F.F.R. Tout d’abord, une activité de recherche car je dois mener un doctorat d’une durée de 3 ans sur le thème des entraînements combinés force/endurance. Mais aussi une activité de préparation physique auprès d’un public varié (e.g., jeunes, féminines, rugby à 7).
Figure 1. Julien Robineau (à gauche) et Didier Rétière, D.T.N. adjoint chargé du Haut-Niveau jeune... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)
J. Robineau - J’ai étudié à l'U.F.R. S.T.A.P.S. de Dijon (Université de Bourgogne). J’ai suivi une filière entraînement, management sportif et préparation physique de la Licence 3 jusqu’au Master 2, avec en parallèle un diplôme universitaire de préparateur physique au Centre d’Expertise de la Performance "Gilles Cometti". J’ai également suivi un Master 2 RECHERCHE dans le domaine des activités physique adaptées afin de me préparer du mieux possible au doctorat. J’ai ensuite répondu à un appel à candidature de la cellule recherche de la F.F.R. pour le financement d’un projet d’études appliqué à l’entraînement et la préparation physique du rugbyman, cela a été plutôt concluant. Je poursuis donc mon parcours universitaire par une thèse co-encadrée par Xavier Bigard (Centre de recherche du service de Santé des Armées) et Nicolas Babault (C.E.P.). Le responsable de la cellule recherche, Julien Piscione, est quant à lui mon référent scientifique à Marcoussis.
J. Robineau - Ma passion pour l'entraînement date de mon entrée à faculté. Dès mes premières années de licence, j'ai découvert un courant de la préparation physique initié par Gilles Cometti plaçant "le neuromusculaire" au centre du développement du l'athlète. J'ai vraiment été séduit par cette approche et cela m'a motivé pour m'orienter dans ce domaine. J'ai souhaité poursuivre par un doctorat afin d'acquérir davantage de connaissance en physiologie de l'entraînement et d'être en mesure de rationaliser du mieux possible la préparation physique de l'athlète.
J. Robineau - Je travaille auprès d'un public divers de joueurs de rugby de haut niveau à savoir les jeunes (Pôle espoir, Pôle France, Sélections nationales) (Fig. 2), les féminines mais aussi les joueurs de rugby à 7 (discipline qui fera son entrée aux Jeux Olympiques de Rio en 2016).
J. Robineau - En effet, ces types d'entraînement présentent un intérêt scientifique certain. Depuis la première étude d'Hickson (1980), plusieurs auteurs se sont intéressés à étudier les effets de la combinaison des qualités de force et d'endurance au sein d'une même planification. Les résultats de ces études tendent vers la mise en avant d'un effet "interférentiel" de l'entraînement d'endurance sur le développement de la force. Plus explicitement, les gains de force obtenus suite à la période d'entraînement en musculation seraient supérieurs à ceux mesurés suite à la période d'entraînement combiné "force-endurance". Les charges de travail en musculation étaient bien évidemment identiques entre les deux groupes.
Plusieurs activités sportives tel que les sports collectifs, de combat ou de duel exigent à la fois, de manière prépondérante, de hautes qualités de force et d'endurance et imposent ainsi une préparation physique centrée autour de ces deux qualités. Sachant que le travail combiné ne semble pas optimal pour le développement des qualités neuromusculaires, l'objectif sera alors de planifier de telle sorte à minimiser le plus possible l'effet interférentiel de l'endurance sur le développement de la force. Cette notion de planification d'entraînement a une place centrale au sein de ma thèse. En effet, nous avons décidé de jouer sur l'agencement des séances les unes par rapport aux autres (ordre), le temps de récupération entre celles-ci puis le type d'entraînement (notamment aérobie).
J. Robineau - Docherty & Sporer (2000) ont proposé un modèle mettant en avant les zones d’interférence concernant les deux types d’entraînement. Il semblerait que la combinaison des séances hypertrophiques (> 10RM) et intermittentes à haute intensité (> 90% de la puissance maximale aérobie), induisant toutes les deux des adaptations périphériques, soit la plus interférentielle sur le développement de la force. L’analyse moléculaire des réponses aux entraînements combinés force-endurance a également montré que les exercices intermittents, exécutés à intensité maximale (6-54 sec), perturbaient davantage les adaptations moléculaires induites par l’entraînement de force qu’un entraînement aérobie continu à intensité sous maximale (70% de VO2MAX) (Coffey et al., 2009).
Le préparateur physique devra donc veiller à associer le moins possible, au sein d’un même cycle d’entraînement, le développement de la masse musculaire à des exercices intermittents à haute voire très haute intensité. A l’inverse, la combinaison des séances de force maximale (< 5-6 RM) et aérobie à intensité sous-maximale et maximale semblerait davantage compatible en vue du développement des qualités neuromusculaires de l’athlète. Il ne faut toutefois pas oublier les notions d’ordre et de temps de récupération entre les séances y compris lorsque l’entraînement de musculation est centré sur un développement de la force maximale.
J. Robineau - Plusieurs tendances ressortent de nos travaux de recherche. Tout d’abord, nous nous sommes centrés sur les effets aigus des entraînements combinés suite à différents agencements de séance (Force-Endurance vs. Endurance-Force). Il semblerait qu’un travail aérobie, mené juste avant une séance de musculation, perturbe le développement optimal de la charge de travail. Nous nous sommes également intéressés aux adaptations induites par différentes périodes d’entraînement. Dans un premier temps, nous avons vérifié l’effet du temps de récupération entre les séquences (0h, 6h et 24h), en gardant en constante, l’ordre Force-Endurance. Suite à cette étude, nous avons pu mettre en évidence des gains significativement supérieurs de force et de VO2MAX pour les groupes ayant une période de récupération entre les séquences (6h et 24h).
Une autre étude est actuellement en cours mesurant l’impact du type d’entraînement aérobie suite à une période d’entraînement combiné avec la séance de force toujours réalisée en première et une durée de 24h de récupération entre les séquences. Pour l’instant, nous conseillerions donc aux techniciens de placer les séances de force avant les séances aérobies mais aussi d’introduire le plus de récupération possible entre ces deux types de séquences.
J. Robineau - J'aime la recherche et la réflexion permanente que nous impose l'évolution du haut-niveau. Le rugby a évolué et continue d’évoluer très vite. Nous devons alors être très réactifs pour proposer un modèle et une conception cohérente de l’entraînement de haut-niveau. Le rugby est un sport collectif pour les joueurs mais aussi pour le staff. J’apprécie énormément ces échanges permanents avec les entraineurs, le médical, le préparateur mental, etc. Ce que j’apprécie le moins ? Je ne sais pas... Je débute dans la profession donc tout ce qui se présente n’est que du bonheur. Je changerai peut être d’avis dans quelques années...
J. Robineau - Je pense qu’il leur faut être courageux parce que les chances d’intégrer une structure de haut niveau sont minces, mais elles existent ! Je leur dirais aussi d’être curieux et de s’intéresser sans cesse à ce qui se fait ailleurs, dans les autres clubs, dans les autres nations. J’ai énormément appris en échangeant avec d’autres préparateurs physiques et chercheurs. Il est très important de se remettre toujours en question et de ne pas se reposer sus ses acquis.
J. Robineau - Je pense que la relation, entre la recherche scientifique et l’entraînement de haut-niveau, doit être la plus directe possible. Cela peut paraître utopique pour le moment mais je pense qu’un référent scientifique a sa place au sein de n’importe quel staff technique. La bonne cohésion entre les deux professions est, selon moi, un véritable critère de réussite. Les chercheurs sont parfois éloignés de la réalité du terrain, avec toutes ses contraintes matérielles, et ne maitrisent donc pas toujours ce qui peut réellement être mis en place à l’entraînement, en compétition, en récupération. En revanche, sa présence est une aide indiscutable pour rationaliser le plus possible l’entraînement du joueur.
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