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Athlètes Master et longévité

par P. Debraux | 22 Février 2022

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Le rôle des télomères dans le vieillissement cellulaire, et donc de l'organisme (sénescence), a été mis en lumière par le biologiste russe Alekseï Olovnikov en 1971. Olovnikov a mis en évidence que la limite de réplication cellulaire était corrélée aux télomères. Les télomères sont situés à l'extrémité de nos chromosomes, leur rôle est littéralement de protéger notre ADN lors de la réplication des cellules, afin d'éviter une perte d'informations ou toutes autres anomalies. Ainsi, le télomère peut être considéré comme un bouclier qui permet d'éviter une mauvaise réplication cellulaire en protégeant nos chromosomes. Toutefois, le télomère se raccourcit à chaque division cellulaire, et lorsqu'il atteint une taille critique, la cellule atteint sa limite réplicative et l'organisme vieillit. Leur longueur originale est déterminée génétiquement et donc différente pour chaque individu. Cependant, en 1985, Elizabeth Blackburn et Carol Greider mettent en évidence la télomérase, une enzyme capable de limiter le raccourcissement des télomères en synthétisant de nouveaux brins d'ADN télomérique. Leurs travaux sont récompensés en 2009 par le prix Nobel de physiologie ou médecine. Les travaux de Blackburn montrent également que non seulement la télomérase limite le raccourcissement des télomères mais qu'elle permet aussi de les allonger, et donc d'augmenter le potentiel de réplication d'une cellule, et ainsi, retarder le vieillissement. De plus, à la suite de nombreux travaux (tant physiologiques que psychologiques), Blackburn et Epel montrent que l'activité de la télomérase et la longueur des télomères varient fortement selon de nombreux facteurs : l'activité physique, l'hygiène alimentaire et le stress psychologique (en savoir plus sur leurs travaux avec leur livre : "L'effet télomère" aux éditions Guy Trédaniel).

Lire aussi: Notre article sur le lien entre télomérase et activité physique

Des études montrent que la sirtuine 1 (SIRT1) pourrait jouer un rôle crucial dans la protection des télomères. SIRT1 (Silent mating type Information Regulator Two homolog 1) est une protéine désacétylase dépendante de NAD+ (Nicotinamide Adenine Dinucleotide). Elle est impliquée dans de nombreux processus biologiques tels que l’inflammation, la mort cellulaire et le métabolisme en régulant d’autres protéines cibles via la désacetylation (c’est-à-dire, l’élimination d’un groupe acétyle), comme FOX01, UCP2, PGC-1α, NF-kB et p53, ce qui augmente leur transcription et conduit à réduire l’inflammation, améliorer le métabolisme du glucose, réguler la sécrétion d’insuline, augmenter la biogénèse et la fonction des mitochondries et intervenir dans la sénescence cellulaire. De plus, de nombreuses recherches ont déjà montré qu’il existe un lien positif entre la concentration en SIRT1 et l’activité physique.

Les athlètes Master sont des athlètes de plus de 35 ans. Dans cette catégorie, selon les disciplines sportives, on retrouve d’ailleurs différentes sous-catégories en fonction de l’âge des athlètes. Ces athlètes sont un modèle intéressant puisque, généralement, ils ne présentent pas les problématiques de santé qu’il est possible de retrouver dans la population du même âge mais dont le niveau d’activité physique est nul ou faible. Certaines études ont montré que les athlètes Master possédaient des niveaux de SIRT1 plus élevés que leurs homologues sédentaires. Mais existe-t-il un lien entre les niveaux de SIRT1, la sécrétion d’insuline et la longueur des télomères ?

L'étude réalisée

Pour répondre à cette question, des chercheurs brésiliens ont comparé les concentrations en SIRT1, en insuline et la longueur des télomères chez des athlètes Master et leurs homologues physiquement inactifs. Pour cela, les chercheurs ont recruté 52 athlètes Master (50.0 ± 7.3 ans) et 19 personnes sédentaires (47.6 ± 8.9 ans). Les athlètes Master s’entraînaient de manière continue depuis au moins 15 années et participaient à des compétitions de niveau nationale ou internationale en athlétisme (21 coureurs d’endurance et 31 sprinters). Des échantillons de sang ont été prélevés pour chaque individu.

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude montrent qu’en comparaison aux individus sédentaires et inactifs, la concentration en insuline était significativement inférieure, la concentration en SIRT1 était significativement supérieure, et la longueur des télomères était significativement plus grande chez les athlètes Master (voir figures ci-dessous). Aucune différence significative n’a été observée entre les coureurs d’endurance et les sprinteurs.

Les athlètes Master possédaient une masse corporelle 18% moins grande et une masse grasse totale 41% moins grande que leurs homologues sédentaires et inactifs.

Les analyses statistiques ont montré que la concentration en SIRT1 était inversement corrélée avec la concentration en insuline (r = -0.38, p = 0.001) (faible corrélation) et positivement corrélée avec la longueur des télomères (r = 0.65, p = 0.001) (corrélation modérée). La longueur des télomères et la concentration en insuline n’étaient pas corrélées.

Les stimuli mécanique et métabolique dus à l’exercice physique induisent des réponses inflammatoires et oxydatives et améliorent les capacités de réparation de l’ADN, augmentent la biogénèse mitochondriale et la sensibilité à l’insuline. L’insuline et l’IGF-1 sont directement associés à la voie mTOR et inversement corrélés à la voie AMPK. Or, AMPK et SIRT1 se régulent l’une l’autre et partagent de nombreuses molécules cibles qui sont liées à la longévité.

L’augmentation de SIRT1 via l’exercice permet de diminuer l’expression de cytokines pro-inflammatoires comme TNF-α et IL-6, ce qui in fine réduit le stress oxydatif. De plus, SIRT1 joue un rôle important dans la régulation de la sécrétion d’insuline à partir des cellules β pancréatiques. La réduction de SIRT1 peut conduire à l’apoptose (processus par lequel des cellules déclenchent leur autodestruction en réponse à un signal) de ces cellules. Et l’augmentation de SIRT1 permettrait de prévenir la diminution de la quantité des cellules β. Des études ont d’ailleurs montré que les athlètes Master possèdent une résistance à l’insuline plus faible que leurs homologues sédentaires et inactifs.

Concernant la longueur des télomères, la corrélation positive avec SIRT1 semblerait indiquer un rôle positif de l’activité physique sur la longévité. Bien sûr, il est possible de supposer que les athlètes Master sont génétiquement prédisposés à l’activité physique. Mais des études ont déjà montré l’impact de l’activité physique sur la longueur des télomères et l’augmentation de la concentration en SIRT1.

Applications pratiques

Une activité physique modérée à intense pratiquée régulièrement durant de nombreuses années stimule nos systèmes de défense anti-oxydants et anti-inflammatoires qui sont gérés, entre autres, par SIRT1 et est associée à des télomères plus longs et une sensibilité à l’insuline accrue. SIRT1 désacétyle FOX01, PGC-1α et NF-kB ce qui contribue à des effets positifs sur le métabolisme du glucose, la sécrétion d’insuline, la fonction mitochondriale, les réponses inflammatoires et la longueur des télomères.

Le facteur nutritionnel, primordial quand il est question de longévité, n’a pas été pris en compte dans cette étude comparative. Il est possible de supposer que les athlètes Master, à cause de leur pratique et de leur style de vie, font attention à leur alimentation, d’autant plus que celle-ci impactera directement leur performance sportive. De nombreuses études montrent que nos apports alimentaires, les quantités, la qualité et leur distribution dans une journée ont une influence marquée sur les mécanismes liés à la longévité.

Références

  1. Aguiar SS, Rosa TS, Neves RVP, Leite PLA, Maciel LA, Gutierrez SD, Rosa EC, Andrade RV, Degens H, Korhonen MT, Lewis JE and Simoes HG. Telomere length, SIRT1, and insulin in male master athletes : the path to healthy longevity ? Int J Sports Med 43 (1) : 29-33, 2022.
  2. Aguiar SS, Sousa CV, Santos PA, Barbosa LP, Maciel LA, Coelho-Junior HJ, Motta-Santos D, Rosa TS, Degens H and Simoes HG. Master athletes have longer telomeres than age-matched non-athletes. A systematic review, meta-analysis and discussion of possible mechanisms. Exp Ger 146 111212, 2021.

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