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Créatine et santé cérébrale : Bénéfices cognitifs et neurologiques

par P. Debraux | 16 Janvier 2024

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La créatine est un composé azoté produit et synthétisé de manière endogène dans le corps humain. La synthèse implique les acides aminés non-essentiels arginine et glycine, ainsi que l'acide aminé essentiel méthionine. Ce processus en deux étapes se déroule principalement dans le foie et le cerveau. La créatine peut également être consommée de manière exogène par le biais de sources alimentaires telles que la viande rouge et les fruits de mer, ou par l'ingestion de suppléments de créatine fabriqués dans le commerce. La forme la plus courante de supplémentation en créatine est la créatine monohydrate, connue pour son efficacité et sa biodisponibilité dans l'augmentation des taux plasmatiques de créatine et l'amélioration de la teneur en créatine dans des tissus comme les muscles, améliorant ainsi les performances physiques.

Elle aide en effet les muscles à produire de l'énergie lorsqu'ils soulèvent des charges lourdes ou font des efforts de haute intensité. Dans l'organisme, la créatine est phosphorylée pour former la phosphocréatine, qui sert de source d'énergie rapide dans les cellules, en particulier les cellules musculaires et cérébrales, en régénérant l'adénosine triphosphate, le principal vecteur d'énergie de l'organisme.

Mais au-delà de ces bienfaits pour la masse musculaire, un nombre croissant de recherches s'intéressent depuis plusieurs dizaines d'années à la façon dont la supplémentation en créatine affecte notre santé, avec ou sans exercice physique, avec un intérêt particulier pour le cerveau. Ainsi, si la créatine est un acteur clé du métabolisme énergétique, pourrait-elle également contribuer de manière significative aux processus énergivores de notre organe le plus complexe, le cerveau ? Quelles sont les possibilités que la supplémentation en créatine pourrait offrir pour la santé du cerveau, au-delà de son domaine traditionnel dans le sport et la musculation ?

Qu'est-ce que la créatine et quel est son impact sur les fonctions cérébrales ?

La créatine est synthétisée dans le foie, le pancréas et les reins, principalement à partir des acides aminés arginine, glycine et méthionine. Elle peut également être obtenue à partir de sources alimentaires telles que la viande rouge et le poisson, et via la supplémentation. Une fois produite ou ingérée, la créatine circule dans le sang jusqu'aux tissus de l'organisme, y compris le cerveau.

La créatine traverse la barrière hémato-encéphalique par l'intermédiaire d'un transporteur de créatine spécialisé (CT1). Une fois dans le cerveau, elle est absorbée par les neurones et les cellules gliales. Ce transporteur est essentiel, car la créatine du cerveau doit être continuellement renouvelée afin de maintenir des niveaux optimaux pour la fonction neurologique.

Le cerveau, malgré sa taille relativement petite, est un organe gourmand en énergie, représentant environ 20% des dépenses énergétiques du corps. La principale fonction de la créatine dans le cerveau est de maintenir les niveaux d'adénosine triphosphate (ATP), la principale source d'énergie de la cellule. Elle le fait en donnant des groupes phosphates à l'adénosine diphosphate (ADP), régénérant l'ATP et soutenant ainsi les demandes d'énergie de l'activité neuronale et de la fonction cérébrale.

Compte tenu de son rôle crucial dans le métabolisme énergétique, l'impact de la créatine sur les fonctions cérébrales est très important. Des niveaux suffisants de créatine dans le cerveau soutiennent divers processus cognitifs, en particulier ceux qui nécessitent une production rapide d'énergie, tels que la mémoire, l'attention et la résolution de problèmes. De plus en plus d'études animales et d'essais cliniques chez l'homme montrent que la supplémentation en créatine peut améliorer les performances cognitives, en particulier dans les tâches qui exigent une utilisation rapide et intense de la puissance cérébrale. À l'inverse, un faible taux de créatine dans le cerveau accompagne plusieurs troubles neurodégénératifs, l'ampleur du déficit en créatine correspondant souvent à la gravité du trouble.

Comment la créatine contribue-t-elle à l'amélioration cognitive et à l'amélioration de la mémoire ?

La recherche indique que la supplémentation en créatine peut avoir un impact positif sur divers processus cognitifs. Ceci est particulièrement évident dans les tâches qui exigent une utilisation rapide et étendue de la puissance cérébrale. Des études portant sur la supplémentation en créatine ont montré des améliorations dans des tâches nécessitant une résolution rapide de problèmes, une plus grande capacité d'attention et un meilleur rappel de la mémoire. Les chercheurs pensent que ces avantages découleraient du rôle de la créatine dans le maintien des niveaux d'ATP, cruciaux pour une fonction cérébrale optimale.

La mémoire, à court et à long terme, est un processus qui demande beaucoup d'énergie au cerveau. Des niveaux adéquats de créatine garantissent un apport régulier d'ATP, essentiel à la formation de la mémoire et à la mémorisation. Des études expérimentales suggèrent que la supplémentation en créatine peut conduire à des améliorations significatives des performances de la mémoire surtout chez les séniors, mais aussi dans des situations où le cerveau est soumis à un stress métabolique, comme le manque de sommeil ou la fatigue mentale.

Au-delà de l'amélioration cognitive immédiate, la créatine présente un potentiel en tant qu'agent neuroprotecteur. En maintenant les niveaux d'énergie cellulaire dans le cerveau, la créatine peut aider à prévenir les dommages neuronaux et à soutenir la santé du cerveau au fil du temps. Cet aspect de la créatine est particulièrement intéressant dans la recherche sur le vieillissement et les maladies neurodégénératives, où le métabolisme énergétique du cerveau est souvent compromis.

Pour les personnes qui cherchent à optimiser leurs performances cognitives, en particulier dans des situations mentalement exigeantes ou de stress, la supplémentation en créatine pourrait être un complément précieux à leur routine. Pour les étudiants, les professionnels et les personnes âgées, les avantages cognitifs de la créatine suggèrent un moyen pratique et non invasif de soutenir la santé et les fonctions cérébrales.

La créatine dans la gestion des lésions cérébrales traumatiques

Les lésions cérébrales traumatiques (LCT), y compris les commotions cérébrales, représentent un défi important dans les contextes médicaux et sportifs. Au fur et à mesure que la recherche progresse, la créatine apparaît comme un protagoniste inattendu dans la gestion potentielle des traumatismes cérébraux et pourrait influencer la récupération et le traitement des lésions cérébrales traumatiques.

Les lésions cérébrales traumatiques entraînent souvent une crise énergétique dans le cerveau, où la demande d'ATP dépasse l'offre. De plus, les LCT réduisent la concentration en créatine dans le cerveau. La supplémentation en créatine pourrait alors agir comme un tampon énergétique, en maintenant les niveaux d'ATP et en atténuant potentiellement les déficits énergétiques après la blessure.

La créatine pourrait avoir des propriétés neuroprotectrices lorsqu'elle ingérée en supplémentation avant ou après une contusion corticale, réduisant fortement les dommages corticaux. Des études animales ont montré des résultats prometteurs, où la supplémentation en créatine avant des lésions cérébrales a conduit à une réduction de la gravité des lésions cérébrales. Dans les études humaines, bien que les données soient encore émergentes, il y a des indications que la créatine pourrait aider à une récupération plus rapide et à de meilleurs résultats globaux après un traumatisme crânien. En stabilisant les niveaux d'énergie cellulaire, elle pourrait aider à réduire la mort cellulaire et à soutenir la récupération du tissu cérébral à la suite d'une blessure.

Pour les athlètes, en particulier dans les sports à fort impact où les commotions cérébrales sont un risque, la supplémentation en créatine pourrait offrir (dans une certaine mesure) un effet protecteur. Dans la phase de rééducation post-LCT, la créatine pourrait soutenir les processus de récupération cognitive et neurologique.

Bien que les recherches actuelles sur le rôle de la créatine dans la gestion des LCT soient prometteuses, elles n'en sont qu'à leurs débuts. De futurs essais cliniques et études sont nécessaires pour comprendre pleinement la portée de l'efficacité de la créatine dans ce domaine.

Évaluation du potentiel de la créatine dans les maladies neurodégénératives

Les maladies neurodégénératives, telles que les maladies d'Alzheimer et de Parkinson, posent des défis importants en raison de leur nature progressive et des options thérapeutiques actuellement limitées. Ces maladies surviennent lorsque les neurones dans le système nerveux central ou périphérique perdent leur fonction ou meurent éventuellement.

La maladie d'Alzheimer est la cause la plus commune de démence neurodégénérative, résultant dans la perte progressive de la mémoire, la difficulté à s'exprimer et à réfléchir, la désorientation et finalement la mort. Elle se caractérise par des changements dans le métabolisme énergétique du cerveau. La créatine, qui joue un rôle central dans la production d'énergie, pourrait contribuer à atténuer ces changements métaboliques, mais cela n'a été démontré que partiellement chez l'animal, et cela n'a pas encore été étudié chez l'homme.

La maladie de Parkinson affecte plus de 10 millions de personnes dans le monde et se caractérise par un contrôle moteur affecté de tremblements, une rigidité accrue et une perte de l'équilibre. Les dommages oxydatifs cellulaires et les dysfonctions mitochondriales sont caractéristiques de la maladie de Parkinson. Cette maladie implique un dysfonctionnement mitochondrial dans les neurones. Ce qui a laissé suggérer que la supplémentation en créatine pourrait aider. Cependant, alors que les études animales ont donné des résultats prometteurs, les essais cliniques sur l'homme ont donné des résultats mitigés. La plupart des études à long-terme n'observant pas d'améliorations cliniques sur l'état de santé des patients.

Les dystrophies musculaires (comme Duchenne et Becker, par exemple) sont des maladies neuromusculaires qui entraînent une réduction significative des réserves de créatine libre et de phosphocréatine dans le muscle squelettique, souvent liée à une teneur plus faible en protéines transporteuses de la créatine et à une altération de l'absorption et de la libération de la créatine. Elles affectent surtout les hommes et se caractérisent par une faiblesse musculaire progressive, des difficultés à se mouvoir et des problèmes cardiaques et/ou respiratoires.

Des études ont montré des améliorations notables dues à la supplémentation en créatine chez des garçons atteints de dystrophies musculaires de Duchenne et de Becker. Les améliorations comprennent une augmentation de la force de préhension, de la masse maigre et de la capacité d'exercice. De plus, la supplémentation en créatine combinée à l'exercice a montré une augmentation de la masse musculaire, de la force de préhension et du contenu mitochondrial. En revanche, la supplémentation en créatine n'a pas montré d'effets significatifs chez les patients atteints de dystrophie myotonique de type 1 ou de dystrophie myotonique de type 2. Ceci suggère que les bénéfices de la supplémentation en créatine pourraient être spécifiques à la maladie.

La supplémentation en créatine semble sûre, bien tolérée et augmente la force musculaire chez les patients atteints de dystrophies musculaires, en particulier chez les jeunes. Les avantages de la supplémentation en créatine dans ces populations de patients peuvent varier en fonction du type de dystrophie musculaire et de l'âge des patients.

Malgré les aspects prometteurs de la supplémentation en créatine, des essais cliniques plus étendus et plus rigoureux sont nécessaires pour établir son efficacité dans la gestion des maladies neurodégénératives et pour comprendre comment la créatine interagit avec les mécanismes physiopathologiques des maladies neurodégénératives.

Créatine et troubles de l'humeur : Une nouvelle voie thérapeutique ?

Les troubles de l'humeur tels que la dépression, le trouble bipolaire, les troubles anxieux et le syndrome de stress post-traumatique sont les principaux facteurs d'incapacité dans le monde, des estimations récentes suggérant qu'environ 5 à 6 % de la population mondiale présenteraient des symptômes de ces troubles à un moment ou à un autre dans la vie. En outre, des recherches suggèrent que la prévalence des troubles de l'humeur a augmenté de 28 % en 2020 en raison des effets de la pandémie de 2019 du coronavirus.

Il est important de noter que les thérapies actuelles pour les troubles de l'humeur ne parviennent souvent pas à soutenir les patients de manière adéquate. Par exemple, les essais cliniques indiquent que les thérapies verbales et comportementales, telles que la thérapie cognitivo-comportementale, n'atténuent significativement les symptômes que chez 43 à 50 % des patients souffrant de dépression. En outre, une revue systématique de 522 essais cliniques révèle que les pharmacothérapies antidépressives ne réduisent les symptômes que chez 60 % des patients. Ces chiffres s'expliquent en partie par le fait qu'environ 28% des patients arrêtent de prendre leurs antidépresseurs au cours du premier mois suivant la prescription, tandis qu'environ 44 % le font au cours des trois premiers mois et environ 73 % au cours des six premiers mois, en grande partie à cause de la prévalence élevée des effets secondaires, notamment les troubles sexuels (71,8 % des patients), la prise de poids (63,5 %) et la sensation d'engourdissement émotionnel (64,5 %).

La créatine joue un rôle dans le maintien de l'équilibre des substances neurochimiques dans le cerveau, ce qui peut être crucial pour la santé mentale. En soutenant le métabolisme énergétique dans le cerveau, la créatine pourrait influencer le fonctionnement des systèmes de neurotransmetteurs liés à la régulation de l'humeur.

La recherche sur la supplémentation en créatine semble prometteuse pour réduire les symptômes du trouble dépressif majeur (TDM). Ces études indiquent que la créatine pourrait augmenter les effets de certains antidépresseurs, conduisant à des améliorations plus significatives de l'humeur et des symptômes cognitifs de la dépression, en particulier chez les femmes. Le rôle de la créatine dans le métabolisme énergétique pourrait répondre à certains aspects de l'hypothèse bioénergétique de la dépression, qui postule qu'une production d'énergie déficiente dans le cerveau pourrait contribuer aux symptômes dépressifs.

Concernant l'anxiété, les recherches sont moins nombreuses dans ce domaine que dans celui de la dépression. Certaines données suggèrent que la créatine pourrait également avoir des effets anxiolytiques (contre l'anxiété). Ceci est basé sur la prémisse que l'amélioration du métabolisme énergétique du cerveau pourrait affecter positivement les régions du cerveau impliquées dans l'anxiété.

Malgré des résultats encourageants, il existe encore des lacunes importantes dans la compréhension de l'impact de la créatine sur les troubles de l'humeur. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour établir des directives de dosage, comprendre les mécanismes impliqués et identifier les populations qui pourraient bénéficier le plus d'une supplémentation en créatine. Et comprendre comment la créatine pourrait être intégrée efficacement aux approches thérapeutiques existantes pour les troubles de l'humeur est un autre domaine de recherche à approfondir.

Conclusion

Comme vous l'aurez compris, bien au-delà de son rôle traditionnel dans la nutrition sportive, les applications potentielles de la créatine dans l'amélioration cognitive, la récupération des lésions cérébrales, la gestion des maladies neurodégénératives et les troubles de l'humeur sont intéressantes mais nécessitent encore de nombreuses recherches pour mieux comprendre les dosages effectifs selon les différentes populations cliniques. Mais la supplémentation régulière en créatine peut augmenter la concentration en créatine au niveau du cerveau, qui, avec le temps, peut contribuer à expliquer certains des effets prometteurs sur les mesures de la santé et de la fonction cérébrales.

La créatine est prometteuse pour stimuler les fonctions cognitives, en particulier dans les tâches nécessitant une activité mentale rapide et de haute intensité. Les recherches émergentes suggèrent un rôle neuroprotecteur pour la créatine, indiquant des bénéfices potentiels dans la récupération des traumatismes cérébraux. Bien que les preuves actuelles soient mitigées, le rôle de la créatine dans le métabolisme énergétique pourrait offrir des avantages dans la gestion de maladies telle que la dystrophie musculaire. Enfin, la créatine pourrait aider à renforcer les traitements traditionnels des troubles de l'humeur, offrant ainsi une nouvelle voie thérapeutique.

Référence

  1. Candow DG, Forbes SC, Ostojic SM, Prokopidis K, Stock MS, Harmon KK and Faulkner P. "Heads Up" for Creatine Supplementation and its Potential Applications for Brain Health and Function. Sports Med 53 (1) : S49-S65, 2023.

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