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Endurance et renforcement musculaire : effets sur les télomères et la télomérase

par A. Manolova | 17 Septembre 2019

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Les télomères et leur rôle dans le vieillissement cellulaire, et donc de l'organisme (sénescence), a été mis en lumière par le biologiste russe Alekseï Olovnikov en 1971. Olovnikov a mis en évidence que la limite de réplication cellulaire était corrélée aux télomères. Les télomères sont situés à l'extrémité de nos chromosomes, leur rôle est littéralement de protéger notre ADN lors de la réplication des cellules, afin d'éviter une perte d'informations ou toutes autres anomalies. Ainsi, le télomère peut être considéré comme un bouclier qui permet d'éviter une mauvaise réplication cellulaire en protégeant nos chromosomes. Toutefois, le télomère se raccourcit à chaque division cellulaire, et lorsqu'il atteint une taille critique, la cellule atteint sa limite réplicative et l'organisme vieillit. Leur longueur originale est génétique et donc différente pour chaque individu.

Cependant, en 1985, Elizabeth Blackburn et Carol Greider mettent en évidence la télomérase, une enzyme capable de limiter le raccourcissement des télomères en synthétisant de nouveaux brins d'ADN télomérique. Leurs travaux sont récompensés en 2009 par le prix Nobel de physiologie ou médecine. Les travaux de Blackburn montrent également que non seulement la télomérase limite le raccourcissement des télomères mais qu'elle permet aussi de les allonger, et donc d'augmenter le potentiel de réplication d'une cellule, et ainsi, retarder le vieillissement. De plus, à la suite de nombreux travaux (tant physiologiques que psychologiques), Blackburn et Epel montrent que l'activité de la télomérase et la longueur des télomères varient fortement selon de nombreux facteurs : l'activité physique, l'hygiène alimentaire et le stress psychologique (en savoir plus sur leurs travaux avec leur livre : "L'effet télomère" aux éditions Guy Trédaniel).

Des effets bénéfiques de l'activité physique sur la régénération cellulaire et la sénescence ont déjà été observés. L'entraînement en endurance à long terme est associé à une plus forte activité de la télomérase et une réduction de l'usure des télomères chez des athlètes d'endurance jeunes et d'âge moyen en comparaison à des personnes inactives. Ce phénomène est également observé chez des jumeaux où l'un serait actif et l'autre inactif. Dans le cadre des maladies cardiovasculaires, on sait aujourd'hui que le vieillissement vasculaire est associé à une dysfonction endothéliale et à l'athérogénèse. Pourtant, l'impact spécifique de différents types d'activités physiques n'est pas connu. Existe-t-il une différence entre l'endurance continu à intensité modéré (MICT), l'entraînement par intervalles à haute intensité (HIIT) et le renforcement musculaire ?

L'étude réalisée

Pour répondre à cette question, des chercheurs allemands ont étudié l'impact de différents protocoles d'entraînement chez des personnes sédentaires durant 6 mois (26 semaines). Leur objectif était de mesurer l'impact de ces protocoles sur l'activité de la télomérase et la longueur des télomères de certaines cellules sanguines (leucocytes). Pour cela, les chercheurs ont recruté 266 volontaires mais seuls 124 d'entre eux ont terminé le protocole expérimental. Ces personnes étaient réparties en 4 groupes : un groupe contrôle (n=35), un groupe MICT (n=26), un groupe HIIT (n=29) et un groupe de renforcement musculaire (MUSCU) (n=34). Le protocole d'entraînement consistait en 3 séances hebdomadaires de 45 minutes. Les personnes du groupe contrôle continuaient de vaquer à leurs occupations habituelles.

  • Pour le groupe MICT, une séance consistait à marcher/courir à 60% de la fréquence cardiaque de réserve (FCR) (formule de Karvonen).
  • Pour le groupe HIIT, une séance consistait à effectuer 10 minutes d'échauffement pour atteindre 60-75% de FCR, puis à effectuer 4 intervalles de 4 minutes à 80-90% de FCR espacés d'intervalles de repos de 3 minutes à 65-70% de FCR et terminer par un retour au calme de 10 minutes à 60-70% de FCR.
  • Pour le groupe MUSCU, une séance consistait en 8 exercices sur machine organisés en circuit. Les participants réalisaient 16 à 20 répétitions de 20RM sur un exercice avant de passer au suivant, et réalisait 2 séries au total. Les exercices réalisés étaient les suivants : Extension des hanches, crunch, tirage vertical, tirage horizontal assis, leg curl assis, leg extension assis, presse pectoraux assis et presse à cuisses horizontale. Le 20RM était réévalué toutes les 6 semaines et les charges d'entraînement étaient ajustées.

En plus de cette étude prospective, les chercheurs ont également mesuré les effets ponctuels d'un entraînement d'endurance (MICT) à ceux d'un entraînement MUSCU sur l'activité de la télomérase dans les leucocytes sur une sous-population de l'échantillon (n=15) et de manière croisée (c'est-à-dire que tous les sujets réalisaient les deux protocoles d'entraînement).

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude montrent que 6 mois d'entraînement en endurance, que ce soit MICT ou HIIT, permettent d'induire une augmentation de l'activité de la télomérase dans les cellules sanguines mononucléées périphériques (lymphocytes et monocytes) (2 à 3 fois plus) accompagnée d'une augmentation de la longueur des télomères des leucocytes (lymphocytes et granulocytes). Mais aucune amélioration n'a été observée pour les personnes ayant participé au groupe de renforcement musculaire. De la même manière, une seule séance de MICT permet d'améliorer significativement l'activité de la télomérase (immédiatement après et jusqu'à 24 heures) alors qu'aucune amélioration n'est observée après une séance de renforcement musculaire.

Les 3 groupes d'exercice ont mené à une amélioration du VO2MAX similaire et significativement supérieure à celle du groupe contrôle (2.7 ± 3.7 pour MICT, 2.8 ± 5.1 pour HIIT et 3.0 ± 5.9 pour MUSCU, en mL/min/kg). Et les chercheurs n'ont observé aucune corrélation statistique entre l'amélioration de VO2MAX et le changement de la longueur des télomères. Pourtant, les individus dont l'amélioration du VO2MAX était supérieure à la moyenne démontraient une plus grande activité de la télomérase par rapport à ceux qui répondaient plus faiblement à l'exercice. De plus, les chercheurs ont observé une régulation positive de l'expression de l'ARN de l'isoforme inductible de l'oxyde nitrique synthase (iNOS) uniquement dans les deux groupes d'endurance. Les fréquences cardiaques moyenne et maximale observées lors des entraînements de MICT et de HIIT étaient supérieures à celles observées en MUSCU. Les auteurs supposent que cela peut signifier que l'entraînement en endurance induit des contraintes de cisaillement vasculaires plus élevées ce qui pourrait potentiellement contribuer aux effets cellulaires observés (via l'oxyde nitrique (NO), notamment). Il a été démontré que les activités de l'oxyde nitrique synthase (l'enzyme catalysant la production d'oxyde nitrique dans la circulation sanguine) et de la télomérase sont liées dans une voie de signalisation régulant la protection vasculaire induite par l'exercice.

Applications pratiques

Cette étude est la première à réaliser une comparaison randomisée et contrôlée évaluant les effets de différents protocoles d'entraînement sur l'activité de la télomérase et sur la longueur des télomères. Les résultats de cette étude montrent que seules les activités d'endurance permettent d'améliorer l'activité de la télomérase et la longueur des télomères des leucocytes de manière ponctuelle et chronique (26 semaines), confirmant ainsi l'intérêt de pratiquer ces activités pour la prévention des maladies cardio-vasculaires induites. Toutefois, il sera intéressant d'analyser d'autres types de renforcement musculaire plus représentatif de la réalité avec des intensités différentes, et surtout plus élevées et leur impact sur l'activité de la télomérase et sur les télomères, surtout au niveau des cellules musculaires.

Références

  1. Werner CM, Hecksteden A, Morsch A, Zundler J, Wegmann M, Kratzsch J, Thiery J, Hohl M, Bittenbring JT, Neumann F, Böhm M, Meyer T and Laufs U. Differential effects of endurance, interval, and resistance training on telomerase activity and telomere length in a randomized, controlled study. Eur Heart J 40 : 34-46, 2019.

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