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Fatigue et récupération neuromusculaires après des séances axées sur la force et la puissance

par P. Debraux | 9 Novembre 2021

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L'entraînement de musculation a pour but de provoquer des adaptations neuromusculaires. Ces adaptations se traduisent la plupart du temps par des gains de force, des gains masse musculaire et elles sont accompagnées par de la fatigue. La fatigue peut se définir comme une incapacité à générer une force maximale volontaire. En pratique, elle est reflétée par le nombre de répétitions en moins que nous pouvons réaliser lors d'une énième série, ou par la charge moindre que nous pouvons déplacer le lendemain d'une séance lourde, par exemple. La fatigue neuromusculaire générée par l'entraînement est causée par la fatigue périphérique et la fatigue centrale.

La fatigue périphérique est localisée au(x) muscle(s) impliqué(s) directement dans l'effort réalisé. Le stress mécanique sur les fibres et l'accumulation de différentes métabolites lors de l'effort diminuent la capacité d'un muscle à produire de la force. La fatigue centrale correspond à la fatigue du système nerveux central (dite "fatigue nerveuse"), c’est-à-dire, le cortex moteur et la moëlle épinière. La fatigue centrale n'est pas la sensation de fatigue physique et mentale ressentie après une séance, mais l'incapacité de recruter un muscle de manière maximale. Elle est provoquée par une diminution de l'activité des motoneurones, une augmentation des feedbacks afférents inhibitoires et une réduction de la réponse individuelle des motoneurones. À l'inverse de la fatigue périphérique, la fatigue centrale touche le corps entier. Elle peut être induite par des séances lourdes, légères et même par des séances d'endurance cardiovasculaire. Il est souvent dit et écrit qu'il est plus difficile et plus long de récupérer nerveusement que musculairement (comprenez, de la fatigue centrale que de la fatigue périphérique). Mais est-ce réellement le cas ?

L'étude réalisée

Pour tenter de répondre à cette question, une équipe de chercheurs britanniques a étudié l'impact de séances de force et de puissance sur la fatigue et la récupération chez des athlètes de haut-niveau. Pour cela, les chercheurs ont recruté 10 athlètes (4 femmes et 6 hommes) spécialistes d'athlétisme, sprinters ou sauteurs en longueur internationaux (100m : 10.44 ± 0.37s et 11.73 ± 0.34, pour les hommes et les femmes, respectivement), habitués des entraînements en force (1RM Squat : 190.0 ± 38.0kg et 107.5 ± 12.0kg, pour les hommes et les femmes, respectivement).

Chaque athlète a réalisé deux séances : une axée sur le travail de la force maximale et une, axée sur le travail de la puissance. Chaque séance consistait en 3 exercices, 4 séries de 5 répétitions avec 3 min de repos : Squat, split squat et push press. La charge utilisée lors de la séance de force correspondait à un RPE (niveau d'effort perçu) de 16-17, c’est-à-dire très difficile. Pour la séance de puissance, les athlètes utilisaient 30% de la charge utilisée lors de la séance de force.

Avant, 10 minutes immédiatement après et 24h après la séance, tous les athlètes ont été soumis à différents tests pour évaluer le niveau de fatigue et de récupération. Ainsi, un test de saut vertical avec contre-mouvement (sans les bras), un test de contraction volontaire isométrique maximale lors d'une extension du genou et une évaluation de l'activité centrale (CAR) ont été réalisés. Une mesure du lactate sanguin a également été réalisée avant et 4 minutes après la séance. Notez que le test de saut vertical et le test CAR sont des indicateurs plus ou moins directs de l'activité du système nerveux central et de son état de fatigue. Le test CAR se réalise en créant une stimulation surimposée lors du test de contraction isométrique maximale. CAR est le rapport de la force de contraction isométrique maximale sur la somme de cette force et de la force stimulée par surimposition. Un résultat de 1 indique une activation centrale totale.

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude montrent que la force maximale isométrique était diminuée après la séance de force, et ce jusqu'à 24h après la séance, mais cela n'était pas observé après la séance dédiée à la puissance. Par contre, aucun changement n'a été observé pour les mesures liées à la fatigue centrale (le test de saut vertical et le test CAR), quelle que soit la séance. Ces résultats s'expliquent principalement par le plus grand travail mécanique effectué lors de la séance de force, ainsi que par la plus grande concentration de lactate sanguin atteinte indiquant un travail plus exigeant métaboliquement parlant.

La réduction de la force isométrique maximale sans changement de l'activation centrale ni de la performance en saut vertical suggère que les mécanismes responsables du déclin de force après entraînement seraient principalement dus une fatigue périphérique plutôt qu'à une fatigue centrale. D'autres études ont montré que la fatigue nerveuse était généralement mesurable juste après la fin de l'exercice mais qu'elle disparaissait rapidement. Ainsi, puisqu'ici les chercheurs ont attendu 10 minutes pour réaliser les tests post-séance (afin de ne pas compromettre les mesures, car le pH musculaire et l'ischémie pourraient influencer la propagation du potentiel d'action et la fonction contractile), il est possible que la fatigue nerveuse ait été présente après la fin de la séance mais que le corps ait récupéré avant les tests.

Applications pratiques

Cette étude démontre que même chez des athlètes de haut-niveau, une séance de force provoque bien une fatigue musculaire (et celle-ci est plus grande que pour une séance axée sur la puissance), provoquée par la forte tension mécanique sur les fibres musculaires et par le grand travail mécanique réalisé, mais elle n'entraîne pas forcément une fatigue nerveuse. Et si fatigue nerveuse il y a, celle-ci disparait très rapidement après la fin de l'exercice (d'autres études corroborent ces résultats).

Ainsi, la fatigue qui se fait sentir après une séance lourde, est principalement liée à une fatigue musculaire qui peut impacter nos performances musculaires jusqu'à 72 heures. Toutefois, cela ne veut pas dire que la fatigue nerveuse n'existe pas. Elle est observable dans de nombreuses études, et notamment lors d'efforts cardiovasculaires longs. De plus, certaines études indiquent qu'elle pourrait être provoquée par la production de certains métabolites, comme l'ammoniac, qui en excès dans le sang pourraient être neurotoxique et provoquer de la fatigue centrale.

Références

  1. Howatson G, Brandon R and Hunter AM. The response to and recovery from maximum-strength and -power training in elite track and field athletes. Int J Sports Physiol Perform 11 : 356-362, 2016.

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