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Hypertrophie musculaire : quels sont les mécanismes qui nous freinent?

par P. Debraux | 20 Février 2024

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La musculation est une stratégie clé pour améliorer les aptitudes motrices et la santé métabolique, et ce, tout au long de la vie. Les réponses adaptatives de la masse et de la force musculaires squelettiques à l'entraînement contre une résistance externe sont bien documentées et cruciales pour toute personne souhaitant modifier sa composition corporelle et maintenir ses capacités fonctionnelles physiques, tout au long de sa vie.

L'hypertrophie musculaire induite par l'exercice est traditionnellement considérée comme un processus graduel lent, surtout en comparaison avec les gains de force rapides qui peuvent être obtenus. Cette disparité est largement attribuée aux adaptations neuronales initiales qui se produisent lorsque l'on commence à s'entraîner, la croissance musculaire significative contribuant de manière plus substantielle au fur et à mesure que l'entraînement perdure. La relation entre l'augmentation de la taille des muscles et les gains de force reste d'ailleurs un sujet encore très débattu parmi les scientifiques et les entraîneurs.

L'un des aspects intriguant de la musculation est le plateau observé au niveau de la croissance musculaire qui semble inévitable après une certaine période d'entraînement. La recherche suggère que la majorité de l'hypertrophie musculaire se produirait au cours des premières années d'entraînement, puis ralentirait alors que la force pourrait continuer à augmenter même après que la taille des muscles semble stagner. Ce phénomène soulève ainsi des questions sur les limites physiologiques de l'accumulation de masse musculaire et sur les facteurs qui contriburaient à cette limite de croissance.

L'exploration des raisons pour lesquelles la croissance musculaire plafonne - qu'elles soient dues à l'atteinte d'un maximum génétique ou à d'autres contraintes physiologiques - est cruciale pour le développement de stratégies d'entraînement efficaces. Des chercheurs ont ainsi tenté de démêler l'interaction complexe des facteurs conduisant au plateau de croissance musculaire que connaissent de nombreux pratiquants de musculation au cours de leur vie d'entraînement.

Exploration des causes du plateau de croissance musculaire

La croissance musculaire est initialement rapide chez les débutants en musculation. Cependant, cette croissance atteint inexorablement un plateau, qui serait attribué à l'atteinte du potentiel génétique de la taille des muscles. Cette explication simplifie toutefois à l'excès les processus physiologiques sous-jacents en jeu. Au-delà de la prédisposition génétique, plusieurs autres facteurs physiologiques contriburaient à ce plateau comme l'altération des voies de signalisation anabolisantes, l'équilibre entre la synthèse des protéines musculaires par rapport à leur dégradation, l'impact de l'équilibre énergétique sur l'adaptation musculaire, mais aussi l'âge.

Les voies de signalisation anabolisantes jouent un rôle crucial dans la croissance musculaire en régulant la synthèse des protéines myofibrillaires. Au fil du temps, avec un entraînement régulier, ces voies pourraient devenir moins réactives aux stimuli fournis par l'entraînement de musculation, ce qui entraînerait une diminution du taux de croissance musculaire malgré des efforts continus. Des facteurs tels que la voie mTORC1, cruciale pour la synthèse des protéines, et le système Ubiquitine-Protéasome, responsable de la dégradation des protéines, sont étroitement impliqués dans ce processus. C'est cet équilibre entre les processus anaboliques et cataboliques qui détermine l'équilibre global des protéines musculaires et, par conséquent, la croissance musculaire. De plus, cette "résistance anabolique" devient plus prononcée avec le vieillissement, ce qui suggère une augmentation progressive de la résistance de l'organisme aux stimuli mécanique au fil du temps.

L'équilibre énergétique, c'est-à-dire la relation entre l'apport et la dépense caloriques, affecte de manière significative la synthèse et la dégradation des protéines musculaires. La recherche scientifique montre en effet que la restriction calorique peut augmenter la dégradation des protéines musculaires, soulignant l'importance d'une nutrition adéquate pour soutenir la croissance musculaire. Les personnes qui s'entraînent en musculation, en particulier celles qui ont un faible pourcentage de masse grasse corporelle, peuvent être plus susceptibles de voir leur taille musculaire diminuer si l'apport en énergie et en protéines n'est pas suffisant pour répondre aux exigences de l'entraînement.

Les cellules musculaires, comme toutes les cellules, subissent un cycle de vie complexe comprenant des phases de croissance, de réplication de l'ADN et de division. Cependant, les fibres musculaires squelettiques matures sont considérées comme post-mitotiques, ce qui signifie qu'elles ne se divisent plus mais qu'elles peuvent croître en taille grâce à la fusion de cellules satellites. Ces cellules satellites sont cruciales pour la réparation et la croissance des muscles, car elles donnent des noyaux aux fibres musculaires, augmentant ainsi leur matériel génétique, ce qui est nécessaire pour soutenir des muscles de plus grande taille. Le processus d'accrétion myonucléaire par fusion des cellules satellites est un aspect critique de l'adaptation musculaire, permettant le maintien du domaine myonucléaire, qui est essentiellement le volume de cytoplasme que chaque noyau peut supporter avec les gènes et les protéines nécessaires à la fonction et à la croissance de la cellule.

Le concept de frein moléculaire est également évoqué. Ce sont des mécanismes susceptibles de réguler ou de limiter la croissance musculaire afin d'éviter une expansion incontrôlée. Ces freins pourraient être des facteurs comme la myostatine, une protéine qui inhibe la croissance musculaire, ou des régulateurs du cycle cellulaire qui empêchent les cellules satellites de proliférer de manière incontrôlée. L'interaction entre ces signaux favorisant la croissance et les signaux inhibiteurs garantit que la croissance musculaire ne dépasse pas la capacité de l'organisme à la supporter, tant en termes d'intégrité structurelle que de demandes métaboliques.

Cela suggère qu'il existerait des limites à la croissance d'une cellule, au-delà desquelles la poursuite de cette croissance deviendrait inefficace, voire préjudiciable. Les mécanismes qui sous-tendent cette autorégulation sont encore en cours d'exploration, mais ils soulignent la complexité de l'adaptation musculaire et l'équilibre entre la croissance et l'entretien nécessaire à un fonctionnement optimal. Cela expliquerait à la fois pourquoi il est si difficile de progresser une fois un certain niveau de masse musculaire acquis, mais aussi pourquoi il est si difficile de maintenir ce niveau.

La croissance musculaire au cours de la vie

L'adaptation musculaire change au cours de la vie d'un individu, mettant en lumière l'interaction nuancée entre le vieillissement, la résistance anabolique et les avantages potentiels de l'initiation à la musculation dès le plus jeune âge.

Vieillissement et résistance anabolique

Comme expliqué précédemment, le phénomène de résistance anabolique implique une réponse du muscle aux stimuli de croissance (tels que les exercices de musculation et l'apport en protéines) qui diminue avec l'âge. Cette résistance a un impact significatif sur la synthèse des protéines musculaires, ce qui fait qu'il est plus difficile pour les adultes plus âgés de maintenir ou de gagner de la masse musculaire par rapport à leurs homologues plus jeunes. Ainsi, plusieurs études ont mis en évidence que pour une même synthèse protéique, il était nécessaire pour les séniors d'ingérer une plus grande quantité de protéines. L'étiologie du développement de la résistance anabolique est probablement multifactorielle, incluant des changements épigénétiques, la diminution du nombre de cellules satellites, une réduction de la capillarisation, une réduction des hormones anabolisantes, une altération l'acheminement des acides aminés, une résistance à l'insuline croissante et l'inactivité physique liée à l'âge, qui peut exacerber tous les facteurs mentionnés…

Les avantages d'un entraînement précoce à la résistance

Puisque le vieillissement est un facteur limitant dans la construction de la masse musculaire, plusieurs auteurs et entraineurs ont suggéré de démarrer l'entraînement de musculation à un plus jeune âge. Le but serait de passer ainsi plus de temps dans des conditions physiologiques idéales pour maximiser le potentiel de croissance musculaire grâce à une exposition précoce au renforcement musculaire. Ce début précoce pourrait atténuer les effets de la résistance anabolique rencontrée plus tard dans la vie, suggérant que le moment de l'initiation à l'entraînement pourrait influencer l'adaptation musculaire à long terme. L'idée est que l'entraînement précoce permettrait de construire une base plus solide pour la masse et la force musculaires qui se maintiendrait plus longtemps à l'âge adulte, compensant potentiellement le déclin généralement associé au vieillissement.

De plus, au niveau moléculaire, les noyaux acquis grâce aux cellules satellites lors d'une période d'entraînement sont conservés en permanence, même lors de période de désentraînement complet. Ainsi, cela suggère que les muscles peuvent conserver une "mémoire" de la croissance antérieure, facilitant ainsi des adaptations plus efficaces aux stimuli d'entraînement futurs. Ce concept est particulièrement intéressant dans le contexte de l'entraînement précoce, car il implique que les muscles exposés à un entraînement de musculation à un plus jeune âge pourraient répondre de manière plus robuste à l'entraînement plus tard dans la vie. Et les gains musculaires obtenus plus tôt dans la vie seraient plus importants que les gains musculaires obtenus par un adulte d'âge moyen, débutant la musculation.

La compréhension de l'impact du vieillissement sur la croissance musculaire et des avantages potentiels d'un entraînement précoce à la résistance offre des indications précieuses pour l'élaboration de programmes d'entraînement adaptés à l'âge. Pour les professionnels du sport et de la santé qui travaillent avec des adultes plus âgés, ces connaissances soulignent l'importance de prescriptions d'exercices sur mesure qui tiennent compte de la diminution de la réponse anabolique. En outre, elles mettent en évidence les avantages potentiels à long terme de l'encouragement de l'activité physique et de l'entraînement en musculation dès le plus jeune âge, non seulement pour les résultats immédiats sur la santé, mais aussi pour le maintien de la santé musculaire et de la capacité fonctionnelle jusqu'à un âge avancé.

Conclusion

Les recherches consacrées au plateau de croissance musculaire avec l'entraînement en musculation mettent en lumière l'interaction complexe des facteurs génétiques, physiologiques et du mode de vie qui influencent notre capacité à développer et à maintenir notre masse musculaire au fil du temps et qui explique pourquoi le développement musculaire peut stagner, malgré des efforts continus en matière d'entraînement.

Il existe probablement un "plafond" génétique qui conduit les cellules à réguler leur propre taille afin d'assurer un fonctionnement optimal. Cette logique de fonctionnement est renforcée par des mécanismes physiologiques, tels que la résistance anabolique et l'équilibre entre les processus anaboliques et cataboliques, qui régissent l'adaptation musculaire, et qui permettent au corps de développer une masse musculaire adaptée à ses exigences motrices mais dont la consommation en énergie n'est pas trop élevée et ne nécessite pas des efforts supplémentaires trop coûteux.

Commencer l'entraînement de musculation plus tôt dans la vie apparaît également comme un avantage stratégique, offrant potentiellement un tampon contre la résistance anabolique rencontrée avec le vieillissement et permettant de construire une base plus élevée pour la santé musculaire qui peut être maintenue jusqu'à un âge plus avancé.

Ainsi, la question d'atteindre ou pas son plein potentiel génétique au cours de sa vie n'a pas vraiment de sens pour un athlète naturel. En fonction de l'âge auquel une personne commence à s'entraîner, de sa régularité au cours de sa vie et de sa nutrition, le réel objectif est de limiter au maximum les effets du temps sur notre corps. Il est donc important de rappeler que la musculation doit être envisagée dans une optique de santé à long-terme. En adoptant les principes d'un entraînement précoce et régulier, d'une programmation d'exercices sur mesure et d'un soutien nutritionnel adéquat, il sera plus facile de surmonter les défis physiologiques de la croissance musculaire.

Références

  1. Kataoka R, Hammert WB, Yamada Y, Song JS, Seffrin A, Kang A, Spitz RW, Wong V and Loenneke JP. The plateau in muscle growth with resistance training: An exploration of possible mechanisms. Sports Med 54 : 31-48, 2024.

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