En cyclisme, plusieurs résistances s'opposent à l'avancement du cycliste : la résistance due à la gravité qui intervient lorsque le terrain n'est pas plat ; la résistance de roulement qui représente le contact des pneus de la bicyclette sur le sol ; et la résistance aérodynamique qui caractérise la résistance opposée par l'air au système en déplacement (i.e., le cycliste et sa bicyclette).
Sur terrain plat, à des vitesses de déplacement supérieures à 40 km·h-1, la résistance aérodynamique (RA, en Newton) représente environ 90% des résistances totales opposées à l'avancement du cycliste. En somme, environ 90% de la puissance mécanique produite par le cycliste est utilisée pour vaincre cette résistance. Elle est dépendante de plusieurs variables, la masse volumique de l'air (ρ, en kg·m-3), le coefficient de traînée aérodynamique (CX, sans unité), l'aire frontale projetée (Ap, en m2) et le carré de la vitesse de déplacement du fluide sur le cycliste et sa bicyclette (v, en m·s-1) :
Comme vous pouvez le constater sur cette formule, plus la vitesse de déplacement du cycliste sera grande, plus il rencontrera une forte résistance aérodynamique. La masse volumique de l'air étant dépendante des conditions atmosphériques (la pression barométrique, elle-même dépendante de l'altitude, la température et dans une moindre mesure de l'humidité) et la vitesse devant être la plus grande possible, il reste donc deux paramètres modifiables : CX et Ap.
CX représente la complexité de la forme générale du corps en déplacement dans un fluide, la position du cycliste et le déplacement de l'air sur le cycliste et sa bicyclette. Il n'est pas mesurable directement, mais différentes méthodes permettent de l'estimer.
Ap représente l'aire frontale projetée du corps en déplacement. Imaginez-vous exactement en face d'un cycliste sur sa bicyclette placé devant un mur blanc, l'aire frontale projetée représente toute la zone visible de ce cycliste sur sa bicyclette (Fig. 1 et Fig. 2). Il existe différentes techniques pour estimer directement Ap. L'avantage de la quantifier est que cette valeur fournie une information directe sur l'aérodynamisme d'une position. Pour en savoir plus, lisez notre dossier complet sur les différentes méthodes d'évaluation de l'aérodynamisme en cyclisme.
Figure 1. Représentation de l'aire frontale projetée d'un cycliste (en noir) en position dite "de montée".
Figure 2. Représentation de l'aire frontale projetée d'un cycliste (en noir) en position dite "aérodynamique".
En 2009, l'équipe dont je faisais partie à l'université de Reims Champagne-Ardenne s'est intéressée à la mise au point d'une méthode d'évaluation d'Ap en condition réelle. Le constat était le suivant : les méthodes existantes permettaient une bonne estimation d'Ap, mais toujours en laboratoire, car ces méthodes nécessitaient le placement au côté du cycliste d'une zone d'étalonnage (i.e., de référence) dont l'aire était connue au préalable (Fig. 1 et Fig. 2).
Figure 3. Illustration de la méthode de pesage des photographies.
L'étude consistait donc à comparer les mesures obtenues avec notre méthode et les mesures obtenues en utilisant les deux méthodes les plus utilisées dans la littérature : La méthode de "pesage des photographies" et la méthode de digitalisation. Nous avons également vérifié la reproductibilité des différentes méthodes. L'objectif était de valider notre méthode.
Pour cela, les 9 cyclistes qui ont participé à l'étude se sont placés sur leur bicyclette, qui était elle-même placée sur "Home Trainer", avec leur équipement de compétition. Chaque cycliste a adopté deux positions : une position dite "de montée" (Fig. 1) et une position "aérodynamique" (Fig. 2). Une zone d'étalonnage a été placée à leur côté (Fig. 1 et Fig. 2, c'est la zone rectangulaire grise placée sur trépied). L'aire de cette zone était égale à 0.110148 m2. Une photographie numérique de chaque position a été prise.
Selon chaque méthode, voici comment étaient effectuées les mesures :
Pour tester la reproductibilité de la méthode de pesage des photographies et de la nouvelle méthode utilisant la C.A.O., 30 mesures consécutives ont été faites. C'est à dire que 30 photographies du même sujet ont été développées, découpées et pesées. Et 30 détourage ont été effectués sur le logiciel de C.A.O.
La nouvelle méthode a été comparée aux deux autres méthodes pour savoir s'il existait une différence significative dans les mesures.
Les aires frontales projetées déterminées à l'aide des 3 méthodes comparées sont présentées dans la table 1. Les analyses statistiques ont montré qu'il n'existait aucune différence significative entre les différentes méthodes. De plus, le test de la reproductibilité de la méthode de pesage des photographies et de la nouvelle méthode a montré que ces deux méthodes possédaient une variation dans la mesure très faible : 0.1 % pour la nouvelle méthode et 1.26 % pour la méthode de pesage des photographies). Ces résultats montrent que la nouvelle méthode est valide et reproductible pour mesurer l'aire frontale projetée.
L'avantage principal de la nouvelle méthode est qu'elle ne nécessite pas de zone d'étalonnage à placer à côté du cycliste, et qu'elle peut donc être utilisée sur le terrain. Il suffira simplement de connaître une mesure horizontale (e.g., la largeur du guidon) ou une distance verticale (e.g., la hauteur de la roue). Un autre avantage est la possibilité de mesurer l'aire frontale projetée du cycliste uniquement ou du cycliste et de sa bicyclette. Néanmoins, cette méthode nécessite l'utilisation d'un ordinateur et d'un logiciel de C.A.O.
La méthode de digitalisation nécessite également un ordinateur mais le logiciel est gratuit et téléchargeable sur le net. Cette méthode nécessite tout de même un traitement de l'image avant de pouvoir effectuer une mesure.
La méthode de pesage des photographies ne nécessite pas d'ordinateur mais il faut développer les photographies et disposer d'une balance suffisamment sensible (± 0.001 g) pour peser des petits morceaux de papier qui pèsent moins de 0.05 à moins de 0.2 grammes. Cependant, nous avons pu constaté que même si la méthode semblait rudimentaire, elle fournissait des mesures comparables à celles obtenues à l'aide de méthode numérique moderne.
L'aire frontale projetée est facile à estimer, et elle permet de donner à l'entraîneur ou au cycliste un comparatif entre différentes positions. Évidemment une position avec une faible Ap n'est qu'un des paramètres qui permet de diminuer la résistance aérodynamique. De plus, il faut prendre en compte, le confort de la position, et son influence sur le pédalage et la production de puissance.
Toutes les méthodes pour estimer l'aire frontale projetée ont en commun la prise d'une photographie. C'est l'étape déterminante pour s'assurer d'une évaluation correcte de l'Ap. Voici 3 points importants à respecter lors de la prise de la photographie. Ces points seront détaillés dans le dossier sur les méthodes d'évaluation de l'aérodynamisme en cyclisme :
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