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Perdre sa masse grasse tout en conservant sa masse musculaire : Le rôle du volume d'entraînement

par P. Debraux | 2 Août 2022

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Dans de nombreux sports, dont la musculation, des phases plus ou moins longues de restriction calorique sont régulièrement utilisées par les pratiquants pour diminuer leur masse corporelle. L'objectif principal est surtout de réduire le taux de masse grasse, mais malheureusement une perte de masse maigre (comprenant la masse des os, des muscles, des organes, de la peau et des liquides du corps humain) est souvent observée… Lors d'une restriction calorique, il est estimé qu'avec une diète seule, environ 24% de la perte proviendrait de la masse maigre alors qu'une combinaison "diète + exercice" réduirait cette part à 11%. De plus, cette perte est associée à une diminution du métabolisme de base (l'énergie dont le corps a besoin pour fonctionner au repos). Il est donc primordial de trouver les meilleures stratégies pour conserver au maximum sa masse musculaire tout en réussissant à diminuer sa masse grasse.

La conservation de la masse musculaire est déterminée par l'équilibre dynamique entre la synthèse protéique musculaire et la protéolyse (fragmentation des protéines en acides aminés). Or, lors d'une restriction calorique, pour diminuer les dépenses énergétiques, le corps diminue le taux de synthèse protéique musculaire ce qui explique la diminution de masse musculaire. Pour stimuler la synthèse protéique, il existe deux leviers qui peuvent être utilisés conjointement : une diète riche en protéines et la musculation. Même si l'entraînement de musculation est régi par de nombreuses variables, le volume d'entraînement s'avère être particulièrement important pour les gains en masse musculaire. Plus le volume serait important, plus l'hypertrophie serait grande. Toutefois, cette relation suivrait probablement une courbe en U inversé. Sachant qu'en période de restriction calorique, les entraînements deviennent de plus en plus difficiles, quelle sera l'impact d'un volume d'entraînement élevé sur la conservation de la masse musculaire ?

L'étude réalisée

Pour tenter de répondre à cette question, des chercheurs allemands et américains ont réalisé une méta-analyse à partir de 15 études, regroupant 129 participants (60 femmes et 69 hommes) avec en moyenne 6.02 années d'expérience en musculation. Les protocoles devaient durer au moins 4 semaines, une restriction calorique d'au moins 200 kcal/j était réalisée, les données indiquaient les changements en masse maigre et une diète riche en protéine était utilisée (≥ 2 g/kg/j). Le volume d'entraînement était mesuré idéalement via le tonnage total (répétitions x séries x charge), et si cette information n'était pas accessible, alors en séries/gr. musculaire/semaine ou en séries/exercice). Le volume était considéré faible à moins de 5 séries par groupe musculaire par semaine, moyen entre 5 et 9 séries et élevé à 10 séries et plus.

Résultats & Analyses

Les protocoles d'entraînement ont duré entre 4 semaines et 8 mois. Une restriction calorique moyenne de -347 kcal a été observé chez les femmes et de -398 kcal chez les hommes. La consommation moyenne de protéine était de 3.35 g/kg de masse maigre pour les femmes et 3.06 g/kg de masse maigre pour les hommes. En moyenne, les femmes ont perdu 4.8 kg de masse corporelle et 7.9% de masse grasse. Les hommes, quant à eux, ont perdu en moyenne 5.0 kg de masse corporelle et 5.2% de masse grasse. Le changement en masse maigre allait de -6.6 kg à +1.3 kg.

Onze des 15 des études ont utilisé un programme d'entraînement combinant musculation et entraînement cardiovasculaire. Le nombre de séances de musculation allait de 1 à 7 séances hebdomadaires.

Seule 1 étude a rapporté le volume d'entraînement en tonnage. Le nombre de séries par groupe musculaire par semaine a été décrit par 3 études. Sept études ont rapporté le nombre de séries par exercices (1 à 10 séries par exercice). Et 4 études n'ont pas permis de déterminer correctement le volume d'entraînement. Cinq études ont augmenté le volume durant le programme d'entraînement, 3 l'ont réduit et 1 étude a rapporté une augmentation du volume suivi d'une diminution dans le cadre de la préparation à une compétition de bodybuilding.

Deux des 7 études incluant des femmes et 5 des 7 études incluant des hommes ont rapporté des pertes en masse maigre, suggérant une influence du sexe sur les changements en masse maigre lors d'une phase de restriction. Les études rapportant des volumes modérés à élevés, avec des femmes, ont rapporté une maintenance de la masse musculaire voire une augmentation de la masse maigre (+1.03 kg en moyenne). A l'inverse, les études rapportant une diminution du volume ont observé des pertes en masse maigre (-1.04 kg en moyenne).

Chez les hommes, en moyenne, la perte de masse maigre a été de 2.81 kg, allant de -0.5 à -6.6 kg, correspondant de 12 à 54% de la masse corporelle totale perdue. Pour les deux études qui n'ont enregistré aucune perte de masse maigre, le volume d'entraînement a été augmenté au cours du temps.

Seules 4 études ont rapporté correctement le volume d'entraînement. Il est donc difficile de tirer une conclusion claire sur le sujet. Toutefois, 3 de ces études avaient un haut volume d'entraînement (10 à 30 séries par groupe musculaire par semaine) et ont rapporté une faible voire aucune perte de masse maigre (principalement chez les femmes). Une étude suivant la préparation à la compétition d'un bodybuilder a même rapporté une augmentation de la masse maigre lorsque le volume d'entraînement augmentait.

D'après les données de ces études, il semble qu'en phase de restriction calorique, il soit préférable d'augmenter le volume d'entraînement au cours du temps et qu'en moyenne, les femmes sembleraient mieux conserver leur masse maigre que les hommes.

Concernant les femmes

Sur 7 études incluant des femmes, 1 étude a rapporté une maintenance de la masse maigre et 3, une augmentation de celle-ci. Ces études ont indiqué un volume d'entraînement modéré à élevé, et qui pouvait augmenter au cours du programme d'entraînement. A l'inverse, les études qui ont rapporté une diminution dans le volume d'entraînement ont observé une perte de masse maigre. En moyenne, ces pratiquantes s'entraînaient de 4 à 6 fois par semaine, de 6 à 20 séries par groupe musculaire et ingéraient de grandes quantités de protéines, ce qui a pu aider à soutenir le rythme d'entraînement et ainsi protéger indirectement la masse maigre.

Concernant les hommes

Sept études incluaient des hommes et 1 étude incluait des femmes et des hommes. Sur ces 8 études, seules deux ont rapporté une faible perte, aucune perte voire une augmentation de la masse musculaire (mesurée via l'aire de section transversale du muscle). Ces études impliquaient une augmentation du volume durant la période d'entraînement.

Lors d'une étude de cas sur la préparation d'un bodybuilder à une compétition, une perte marquée de masse maigre coïncide avec une réduction marquée en calories et un plus gros volume d'entraînement cardiovasculaire lorsque l'athlète atteint moins de 7% de masse grasse corporelle. Une fois que le déficit calorique devient trop important, même un stimulus anabolique comme l'entraînement à haut volume semble insuffisant pour contrecarrer la résistance anabolique induite par la diète. De plus, si le volume suit une relation en U inversé avec l'hypertrophie, il pourrait être soit trop faible, soit trop grand, dépendant des capacités de chacun.

En comparaison aux femmes, l'augmentation du volume d'entraînement semble contrecarrer seulement partiellement les perturbations induites par la restriction calorique sans les inverser complètement. Bien que les hommes et les femmes possèdent une activation similaire de la voie de signalisation mTOR, il existe des différences au niveau de la composition corporelle, de la composition musculaire, des hormones et de l'activité mitochondriale. Les femmes semblent mieux retenir leur masse maigre en phase de restriction calorique. Certains chercheurs émettent l'hypothèse que ce pourrait être dû à une plus grande concentration en œstrogènes qui aurait un effet anabolique sur IGF-1.

Mécanismes possibles

La restriction calorique induit des changements hormonaux qui peuvent affecter négativement la balance protéique et donc contribuer à la perte de masse maigre. Car le corps répartirait l'énergie disponible à des processus physiologiques plus importants.

Des études suggèrent que la testostérone jouerait un rôle dans le maintien de la masse maigre, et que cette relation serait dépendante des niveaux d'énergie. En effet, certaines recherches ont montré qu'une perte de la masse maigre en situation de restriction calorique correspond à une chute de la concentration en testostérone, alors que le maintien des niveaux de testostérone s'accompagnerait d'un maintien de la masse maigre. La chute de testostérone associée à la restriction calorique pourrait affecter négativement certaines voies de signalisation et pourrait donc avoir un effet négatif sur la balance protéique.

Les changements de la masse maigre sont déterminés par l'équilibre dynamique entre la synthèse et la dégradation des protéines musculaires. Ce ratio est affecté par de nombreuses variables telles que l'énergie et les nutriments disponibles, les hormones liées à la croissance, le niveau de sommeil et la tension mécanique.

La cible de la rapamycine chez les mammifères (mTOR) module l'amplitude et la durée de la synthèse protéique musculaire. Lors d'une phase de restriction calorique, l'activation de mTOR est réduite ce qui entraîne une réduction de la synthèse protéique et une augmentation de la dégradation des protéines. Sans stimulus inverse (comme la musculation, par exemple) cela mène à une perte de masse maigre importante.

Certaines études ont montré que de plus grands volumes d'entraînement augmentaient l'anabolisme intracellulaire lorsque les calories consommées correspondaient aux calories dépensées, mais il s'avèrerait que cela en soit de même durant des phases de restriction calorique.

Applications pratiques

Les résultats exposés dans cette revue suggèrent que la réduction du volume d'entraînement lors d'une période de restriction calorique impacterait négativement la rétention de la masse maigre. Même si les données scientifiques sont encore insuffisantes, l'augmentation du volume semble être une solution pertinente. Toutefois, cela dépendrait également d'autres facteurs tels que le volume d'entraînement avant le début de la restriction calorique, la valeur du déficit calorique, le niveau de masse grasse, l'utilisation ou non d'un entraînement cardiovasculaire concomitant et le niveau du pratiquant (plus entraîné, plus grand volume). De plus, basés sur les résultats évoqués dans cette revue de littérature, les femmes tendraient à maintenir plus leur masse maigre en comparaison aux hommes.

La réduction calorique s'accompagne généralement d'une diminution des stimuli hormonaux ce qui augmente le catabolisme. Le maintien, voire l'augmentation du volume pourrait être une stratégie payante anti-catabolique grâce à la préservation d'une balance protéique positive et d'un milieu hormonal propice au maintien de la masse musculaire.

Références

  1. Roth C, Schoenfeld BJ and Behringer M. Lean mass sparing in resistance-trained athletes during caloric restriction : the role of resistance training volume. Eur J Appl Physiol 122 : 1129-1151, 2022.

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