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Relation entre la forme cardiovasculaire et la consommation d'alcool

par P. Debraux | 12 Octobre 2021

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Nous en parlons souvent, pratiquer une activité physique régulière et d'intensité suffisante (au moins 150 min par semaine à intensité modérée ou 75 min par semaine à intensité élevée) permet de diminuer le risque de certaines maladies chroniques comme le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, ou certains cancers, mais cela diminue également le risque de mortalité toutes causes confondues. De plus, cette pratique régulière mène souvent à une augmentation de notre niveau de forme cardiovasculaire (souvent représenté par le VO2MAX chez les sportifs ou le VO2PIC chez les sédentaires), qui est lui-même positivement et fortement corrélé à notre espérance de vie.

A l'inverse, la relation entre la consommation d'alcool et la mortalité n'est pas aussi claire. Certaines études indiquent qu'une consommation légère (moins de 3 verres par semaine) serait liée à un risque plus faible de mortalité cardiovasculaire alors qu'une consommation forte (>7 verres et >14 verres par semaine, chez la femme et l'homme, respectivement) augmenterait le risque de maladies et de mortalités cardiovasculaires. Néanmoins, certains cancers pourraient être provoqués par la consommation d'alcool régulière, même légère.

Les comportements positifs sains en entraînent généralement d'autres dans leur sillage. Ainsi, se remettre à faire du sport incite souvent à rééquilibrer sa diète et à manger de manière plus saine. Toutefois, la consommation d'alcool ne suit pas forcément la même trajectoire. Et la relation entre activité physique et consommation d'alcool n'est pas si évidente qu'il n'y parait.

L'étude réalisée

Pour tenter d'y voir plus clair, une équipe internationale de chercheurs mais menée par le Cooper Institute de Dallas, États-Unis a étudié la relation entre le niveau de forme cardiovasculaire et la consommation d'alcool chez 55 082 personnes. Plutôt que de faire passer un questionnaire pour tenter de supposer leur niveau de forme, les chercheurs ont fait passer à chaque participant un test d'effort sur tapis roulant pour évaluer objectivement leur forme cardiovasculaire. En plus de ce test, chaque participant a rempli un questionnaire incluant des questions sur leur niveau d'activité physique et leur consommation d'alcool. Les personnes enceintes, possédant un électrocardiogramme anormal, avec un historique de problèmes cardiaques, de diabètes, en sous-poids ou n'atteignant pas 85% de fréquence cardiaque maximale étaient exclues de l'analyse. Ainsi, les données de 38 653 personnes (45.9 ± 9.5 ans, de20 à 86 ans) ont été traitées.

En fonction des résultats au test sur tapis, les chercheurs ont réparti les participants dans 5 quintiles (pour l'analyse, le 1er quintile était celui de référence) :

  • 1er quintile : Forme cardiovasculaire faible
  • 2ème et 3ème quintiles : Forme cardiovasculaire modérée
  • 4ème et 5ème quintiles : Forme cardiovasculaire élevée

Concernant la consommation d'alcool, les participants indiquaient combien de verres ils consommaient par semaine. Sachant qu'un "verre" correspondait à soit une bière de 330 ml, soit un verre de vin (150 ml) ou à un alcool fort (50 ml). Cette mesure est standard puisque dans les 3 cas, un verre correspond à environ 20 g d'alcool. À partir de ces informations, ils étaient classés en 3 catégories : Consommation légère (≤ 3 verres / sem), modérée (3-7 verres pour les femmes et 3-14 verres pour les hommes) et élevée (> 7 verres pour les femmes et > 14 verres pour les hommes). Notez que pour les personnes âgées de plus de 65 ans, plus de 7 verres par semaine est considéré comme une consommation élevée.

Enfin, la dépendance à l'alcool était évaluée par le questionnaire CAGE (Cut down, Annoyed, Guilty, Eye opener). Ce questionnaire consiste en 4 questions qui indique si le patient : 1) a déjà ressenti l'envie de diminuer sa consommation d'alcool ; 2) s'est déjà énervé envers les critiques reçues sur sa consommation d'alcool ; 3) s'est déjà senti coupable de boire ; et 4) boit dès le réveil (eye opener). Le résultat au questionnaire peut aller de 0 à 4, 2 points étant le seuil indiqué une dépendance supposée envers l'alcool.

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude montrent que les niveaux de forme cardiovasculaire relativement élevés sont associés à une plus grande consommation d'alcool, chez hommes comme chez les femmes. Ainsi, les femmes avec des niveaux de forme modéré et élevé ont 1.58 et 2.14 plus de chances d'avoir une consommation d'alcool modérée/forte que les femmes avec un niveau de forme faible. Concernant les hommes, ceux avec des niveaux de forme modéré et élevé ont 1.42 et 1.63 plus de chances d'avoir une consommation d'alcool modérée/forte en comparaison à ceux avec un niveau de forme faible.

Plus spécifiquement, chez les femmes comme chez les hommes, la consommation légère d'alcool semble diminuer avec l'augmentation du niveau de forme, alors que la consommation modérée augmente. En comparaison, quel que soit le niveau de forme, le pourcentage de femmes et d'hommes ayant une consommation d'alcool élevée restait globalement le même, (celui-ci étant plus élevé chez les hommes que chez les femmes). Cependant, les hommes ayant un niveau de forme modéré ont significativement plus de chances d'avoir une consommation d'alcool élevée que les autres.

Le concept d'hypocrisie morale (ou crédit moral) pourrait en partie expliquer ces résultats. Ce concept psychologique permet d'expliquer la capacité des gens à se permettre des écarts (connotés négativement, "immoraux") après avoir accompli quelque chose de positif. Ainsi, après avoir couru un semi-marathon (considéré comme positif, bon pour la santé, choix "moral"), un coureur se dira qu'il a bien mérité cette pizza et ces bières (considéré comme mauvaise diète, choix "immoral"). Le fait de pratiquer d'une activité physique intense régulièrement donnerait aux personnes un joker qui leur permettrait de consommer plus d'alcool. Une étude de 2015 avait d'ailleurs montré que sur une période de 3 semaines, les personnes consommaient plus d'alcool les jours où elles étaient les plus actives.

Applications pratiques

Cette étude montre que les personnes (hommes ou femmes) pratiquant une activité physique auront vraisemblablement plus tendance à consommer de l'alcool, bien que pas nécessairement à des niveaux plus élevés que ceux des recommandations officielles. Elle vient également confirmer les résultats des interventions visant à diminuer la consommation d'alcool par l'augmentation de l'activité physique qui ne sont pas forcément couronnées de succès. Si une consommation faible d'alcool n'est en soi pas un problème pour une grande majorité d'individus, il est toutefois très important de se méfier de son caractère addictif et des conséquences que cela peut avoir non seulement sur sa santé, mais également sur ses relations familiales, sociales, professionnelles, etc. Ainsi, pour certains publics, promulguer l'activité physique devrait s'accompagner d'une sensibilisation sur la consommation d'alcool et ses conséquences.

Références

  1. Shuval K, Leonard D, Chartler K, Barlow CE, Fennis BM, Katz DL, Abel K, Farrell SW, Pavlovic A and DeFina LF. Fit and tipsy ? The interrelationship between cardiorespiratory fitness and alcohol consumption and dependence. Med Sci Sports Exerc Article in Press, 2021.

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