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Influence de la respiration sur les mesures de la variabilité de la fréquence cardiaque

par A. Manolova | 2 Avril 2013

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Les battements de coeur ne se produisent pas à intervalle régulier. Il existe en effet des micro-variations qui permettent de réguler l'activité cardiaque en fonction des besoins. C'est la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC), également appelée intervalle R-R en rapport avec les ondes R de l'électrocardiogramme (voir note ci-dessous). Les recherches ont montré que la VFC est régulée par le système nerveux autonome, plus particulièrement par le système nerveux sympathique (qui accélère le coeur) et le système nerveux parasympathique (qui décélère le coeur), à l'image d'un thermostat.

L'électrocardiogramme (ECG) (Cliquez pour Afficher / Masquer)

L'électrocardiogramme (ECG) représente l'activité électrique du coeur. Sur un ECG normal, 3 complexes peuvent être mis en lumière :

  • L'onde P : qui représente la dépolarisation auriculaire lors de la contraction des oreillettes.
  • L'onde QRS : qui représente la dépolarisation ventriculaire lors de la contraction ventriculaire (systole).
  • L'onde T : qui représente la repolarisation auriculaire

La variabilité de la fréquence cardiaque se base sur le temps qui sépare deux ondes R successives, d'où son nom d'intervalle R-R.

La variabilité de la fréquence cardiaque est utile dans le suivi de la fatigue chez les athlètes d'endurance

Figure 1. La variabilité de la fréquence cardiaque est utile dans le suivi de la fatigue chez les athlètes d'endurance.

Initialement utilisée pour le suivi de patients, la VFC a peu à peu intéressée le monde sportif. Car grâce à cette variable, les chercheurs et les entraîneurs avaient la possibité de suivre l'état de fatigue des athlètes du fait de son lien avec le système nerveux. Ainsi, plus la variabilité cardiaque est élevée et plus l'état de forme est bon. À l'inverse, une VFC faible symbolise un état de fatigue plus ou moins prononcé. La gestion de la VFC en fonction des charges de travail et des périodes de récupération a alors été considérée comme un outil pour la gestion de l'effort lors d'un suivi longitudinal chez les athlètes d'endurance et d'ultra-endurance.

Cependant la VFC est dépendante de la respiration (i.e., expiration et inspiration), cette interaction est appelée arythmie sinusale (lorsque vous inspirez, le coeur accélère pour favoriser les échanges gazeux et lorsque vous expirez, il ralentit). Or, l'un des marqueurs permettant de suivre l'évolution de la VFC, le ratio Basse Fréquence (BF) / Haute Fréquence (HF), peut se trouver altérer chez les athlètes d'endurance. Leur faible fréquence ventilatoire est parfois proche de la frontière séparant les basses fréquences des hautes fréquences (i.e., 0.15 Hz soit soit 1 respiration toutes les 6.5 secondes). Et dans ces conditions, il est difficile de savoir si l'athlète est fatigué ou en forme.

Pour limiter ce biais, les chercheurs ont mis en place des protocoles où la fréquence d'inspiration/expiration était imposée. Cela permet également aux mesures d'être plus fiables et reproductibles. Toutefois, ce contrôle impacte encore plus le ratio BF/HF. Jusqu'alors aucune étude n'a étudié la différence de mesures entre respiration contrôlée et respiration spontanée lors d'un suivi longitudinal. Dans ce cas, quelle méthode utilisée pour suivre un athlète ? Le ratio BF/HF est-il fiable ou peut-on utiliser d'autres marqueurs ?

L'étude réalisée

Pour répondre à ces interrogations, des chercheurs français de l'université de Lyon ont étudié l'impact de deux méthodes de respiration sur les variations de la VFC chez des coureurs d'endurance sur une période de 3 semaines. La VFC a été étudiée selon plusieurs marqueurs :

  • Domaine temporel :
    • FC : Fréquence cardiaque moyenne (en battements par minute)
    • SDNN : Déviation standard de l’intervalle R-R sur toute la période d’enregistrement. Indice de la variabilité globale.
    • RMSSD : Racine carrée des différences au carré des intervalles R-R successifs. Indice de la variabilité à court-terme du système parasympathique.
  • Domaine non-iinéaire :
    • SD1 : Indice de la variabilité à court-terme du système parasympathique.
    • SD2 : Indice de la variabilité globale.
  • Domaine fréquentiel :
    • BF :Basse fréquence, indice sur les systèmes sympathique et parasympathique.
    • HF :Haute fréquence, indice sur le système parasympathique.
    • TP :Puissance totale, indice de la variabilité globale.
    • Ratio BF/HF : Balance sympathovagale.

Pour cette étude, 10 coureurs d'endurance (VO2MAX : 65.5 ± 5.8 ml·min-1·kg-1) devaient mesurer chaque jour, pendant 21 jours, la variabilité de leur fréquence cardiaque. Chaque matin, au réveil, allongé, à l'aide d'un cardiofréquencemètre (fréquence d'échantillonnage de 1000 Hz), chaque athlète effectuait deux mesures de 5 minutes chacune :

  • Mesure en respiration spontanée : L'athlète inspire et expire de manière naturelle.
  • Mesure en respiration contrôlée : L'athlète inspire et expire au rythme d'un enregistrement numérique d'un métronome. La fréquence de respiration était fixée à 0.125 Hz.

L'ordre dans lequel les deux mesures étaient effectuées étaient aléatoirement choisis pour chaque athlète et ne variat plus tout au long de l'expérimentation. À partir de ces mesures, des tests statistiques ont été réalisés pour établir les variations et les corrélations entre les deux méthodes de respiration.

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude montrent qu'il existe des différences significatives entre les deux méthodes de respiration pour tous les marqueurs. Cependant, les variations étaient similaires durant le suivi longitudinal pour 3 marqueurs : RMSSD, SD1 et FC. Les figures 2 et 4 illustrent les variations pour le RMSSD et le ratio BF/HF, tandis que les figures 3 et 5 montrent la corrélation entre les deux types de respiration. Cela signifie que bien que le type de respiration induise une différence dans les valeurs des marqueurs, RMSSD, SD1 et FC évolueront de la même façon et permettront ainsi de gérer la fatigue au fil du temps, quelque soit la méthode utilisée.

Variation journalière du RMSSD en fonction du type de respiration lors un suivi de 21 jours

Figure 2. Variation journalière du RMSSD en fonction du type de respiration lors un suivi de 21 jours... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Corrélation entre les 2 types de respiration pour le marqueur RMSSD

Figure 3. Corrélation entre les 2 types de respiration... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Variation journalière du ratio BF/HF en fonction du type de respiration lors un suivi de 21 jours

Figure 4. Variation journalière du ratio BF/HF en fonction du type de respiration lors un suivi de 21 jours... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Corrélation entre les 2 types de respiration pour le marqueur BF/HF

Figure 5. Corrélation entre les 2 types de respiration... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

La différence de mesure entre la respiration spontanée et la respiration contrôlée peut s'expliquer par une plus grande activation du système nerveux sympathique lors du contrôle de la respiration, qui serait causé par une tâche cognitive plus importante. De plus, l'arythmie sinusale perturbe encore plus la VFC lorsque la respiration est contrôlée.

À l'inverse, les marqueurs fréquentiels, comme le ratio BF/HF, généralement utilisés lors du suivi des athlètes, ne présentent pas une bonne fiabilité en fonction de la méthode de respiration utilisée. Ce qui peut conduire à des erreurs très importantes, comme la prescription par l'entraîneur d'une séance à haute intensité lorsque la VFC semblerait élevée, alors qu'elle serait en réalité faible... De plus, les marqueurs fréquentiels sont fortement sensibles à la fréquence ventilatoire des athlètes.

Applications pratiques

Cette étude montre que la méthode de respiration utilisée lors de la mesure de la VFC influe non seulement sur les valeurs mais peut également rendre l'utilisation de la VFC totalement aléatoire si l'athlète ou l'entraîneur se fie à certains marqueurs. Il semble donc que deux marqueurs permettraient de palier à ces problèmes pour un suivi longitudinal : RMSSD et SD1.

Afin d'utiliser correctement la VFC dans le suivi d'un entraînement, il est nécessaire de respecter plusieurs critères. Tout d'abord, il est nécessaire de s'équiper d'un cardiofréquencemètre qui permette une mesure suffisamment sensible de la fréquence cardiaque, et donc, des intervalles R-R. Les grandes marques leader de ce domaine proposent des modèles permettant ces mesures : Suunto T6D, Polar RS800, etc. Ensuite, il faut un ordinateur pour transférer les données enregistrées et un logiciel pour calculer les marqueurs (Kubios HRV, logiciel gratuit).

Les mesures doivent être réalisées le matin, à jeun, au réveil, allongé en respirant calmement en évitant tout stress (il ne faut pas parler, pas écouter de musique, pas bouger, ne pas avoir envie d'uriner, etc.). L'enregistrement peut durer 5 minutes et il peut se répéter 3-5 fois par semaine, voire une fois par jour pour obtenir un suivi plus précis.

Une fois la mesure effectuée, il suffit de télécharger les données sur l'ordinateur et de déterminer le RMSSD ou le SD1 grâce au logiciel Kubios HRV en choisissant une phase stable des données. Il suffira alors de reporter chaque jour le RMSSD ou le SD1 correspondant dans un tableur et ainsi de pouvoir observer au fil des semaines, les tendances en fonction des charges d'entraînement et des périodes de récupération.

Il est important de préciser que quelque soit la méthode utilisée et le marqueur choisi pour se servir de la VFC dans le cadre d'un suivi d'entraînement, il est nécessaire de prendre en compte la charge d'entraînement et la réponse individuelle de l'athlète face aux différentes intensités. Avec un suivi sur le long-terme, il sera plus simple d'aider l'athlète à définir ses charges d'entraînement que sur un suivi trop ponctuel (i.e., au jour le jour).

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Références

  1. Saboul D, Pialoux V and Hautier C. The impact of breathing on HRV measurements: Implications for the longitudinal follow-up of athletes. Eur J Sports Sci DOI: 10.1080/17461391.2013.767947

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