Figure 1. Sauter le plus haut possible est utile dans de nombreux sports.
Les mouvements balistiques sont considérés comme des mouvements très rapides ayant pour objectif d'accélerer le plus possible une masse en mouvement afin qu'elle atteigne une vitesse importante dans un laps de temps très bref. C'est le cas du lancer de poids ou du saut vertical, par exemple. Afin de sauter le plus haut possible, il est primordial que le centre de gravité du corps possède la vitesse la plus élevée au moment où les pieds quittent le sol.
Mécaniquement, cela s'exprime par une impulsion importante. Cependant, la génération de l'impulsion n'est pas considérée comme une propriété mécanique du système neuromusculaire. Or, une forte impulsion est dépendante des capacités de production de puissance des groupes musculaires impliqués dans le mouvement. C'est pourquoi l'intérêt pour la puissance musculaire est si fort dans de nombreuses activités physiques et sportives. Mais encore aujourd'hui, la stratégie optimale pour développer la puissance maximale est source de débats : charge élevée et faible vitesse ou charge faible et vitesse élevée...
Les capacités mécaniques du système neuromusculaire peuvent être décrites par la relation linéaire "Force-Vitesse" et la relation parabolique "Puissance-Vitesse". Trois valeurs principales doivent être retenues : la force maximale théorique (F0, en N) qui représente la force développée lorsque la vitesse est nulle, la vitesse maximale théorique (v0, en m·s-1) qui représente la vitesse lorsque les résistances sont nulles, et la puissance maximale produite (PMAX, en W). Ces paramètres sont illustrés dans les Figures 2 et 3 et seront détaillés dans un dossier à venir sur la puissance musculaire.
Deux athlètes possédant la même puissance maximale peuvent très bien présentés des profils Force-Vitesse différents. C'est-à-dire que les valeurs de F0 et v0 ne seront pas les mêmes. Ainsi un athlète plutôt orienté "force" pourra produire une puissance maximale identique à un athlète plutôt orienté "vitesse". Dans ce cas, la performance balistique (e.g., sauter haut) est-elle influencée par la puissance maximale ou par le profil Force-Vitesse de l'athlète ?
Pour tenter de répondre à cette question, une équipe de chercheurs français et italiens a étudié les profils de force-vitesse et de puissance-vitesse lors de sauts chez des athlètes provenant de différentes disciplines (rugby, football, basketball). À partir de ces profils, l'objectif était de valider un modèle mathématique grâce auquel les chercheurs pourraient étudier théoriquement l'influence du profil force-vitesse et de la puissance sur la performance balistique. Ainsi, 14 sportifs dont 8 rugbymen (et parmi eux, 4 joueurs en 1ère ligue Italienne) ont participé à cette étude. Tous les athlètes devaient réaliser deux types d'efforts sur un ergomètre permettant de réaliser des efforts concentriques explosifs :
La force développée était mesurée grâce à deux plateformes de force positionnées sous chaque pied, et la vitesse grâce à un tachymètre.
Video 1. Poussée horizontale (α = 0°) © Pierre Samozino
Video 2. Poussée avec inclinaison (α = 30°) © Pierre Samozino
Le profil mécanique de force-vitesse des membres inférieurs (SFv, en N·s·m-1·kg-1) peut être exprimé par le ratio entre F0 et v0 qui représente la pente de la représentation graphique de cette relation (Fig. 2). Plus SFv sera petit plus le profil de l'athlète sera orienté vers la force :
Les auteurs de cette étude ont ensuite introduit cette équation du profil force-vitesse dans une expression mathématique qui permet de déterminer la vitesse maximale du centre de gravité du corps au moment où les pieds quittent le sol lors d'un saut (vTOMAX). C'est une valeur théorique qui tient compte des capacités de force et de vitesse des membres inférieurs d'un athlète. Ils ont ainsi obtenu un modèle mathématique qui s'exprime en fonction de F0, v0, PMAX, l'accélération gravitationnelle (g, en m·s-2), de l'angle de poussée par rapport à l'horizontal (α, en °) et de la distance parcourure par le centre de gravité lors de la poussée (hPO, en m) :
Pour valider cette équation, les auteurs ont alors comparé statistiquement la vitesse maximale au décollage obtenue lors des sauts avec inclinaison et la vitesse maximale au décollage théorique obtenue avec les mêmes paramètres.
L'influence relative de PMAX et de SFv sur vTOMAX, et donc la performance balistique, a été analysée grâce à l'équation ci-dessus. Pour cela, les chercheurs ont utilisé des valeurs de PMAX allant de 10 à 40 W·kg-1, des valeurs de SFv allant de 0 à -40 N·s·m-1·kg-1 pour différentes inclinaisons et hPO était considéré comme invariant et égal à 0.4m.
Concernant la validation du modèle mathématique, les résultats montrent que la différence entre les résultats obtenus par expérimentation et ceux obtenus grâce à l'équation mathématique est faible (4.4 - 6.6 %). Cela signifie que l'équation permettant de calculer vTOMAX est valide pour déterminer la vitesse maximale au décollage lors de sauts, quelque soit l'angle de poussée.
D'après les résultats obtenus lors de la simulation théorique, lors des poussées, la vitesse maximale au décollage des pieds, et donc, la performance balistique est plus influencée par la puissance maximale que par le profil force-vitesse (Fig. 4). Cela démontre que lors du saut, la capacité à développer une impulsion importante dans le but de maximiser la vitesse au décollage est fortement liée à la production maximale de puissance des membres inférieurs. Cependant, comme précisé au début de cet article, deux athlètes produisant la même puissance maximale peuvent présenter deux profils musculaires (SFv) différents. Ainsi, pour chaque athlète, il existe un profil force-vitesse optimal (SFvOpt) qui maximise la performance. Or, plus le profil force-vitesse diffère de ce profil optimal, plus la performance sera faible en comparaison à celle qui pourrait être atteinte.
Cela signifie qu'un athlète présentant un profil force-vitesse différent de SFvOpt sur un mouvement donné devra travailler soit en force, si son profil est plus orienté vers la vitesse, soit en vitesse, si son profil est plus orienté vers la force. En procédant de la sorte, il est fort probable d'améliorer la puissance maximale et ainsi la performance balistique.
Pour sauter haut, ce n'est donc ni la force, ni la vitesse mais une combinaison optimale de ces deux paramètres qu'il faut privilégier. La puissance maximale est fortement liée à la hauteur de saut, mais pour optimiser cette puissance, il est nécessaire pour l'athlète de posséder un profil force-vitesse le plus proche possible de son profil optimal. Ce profil optimal dépend du mouvement, de chaque athlète et de la charge à déplacer. Pour le déterminer, les évaluations des relations force-vitesse et puissance-vitesse sont nécessaires. Elles permettront un meilleur suivi des athlètes et une meilleure orientation de leur travail musculaire en fonction des points "faibles" à travailler pour maximiser la performance balistique.
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