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L'impact du rebond lors d'une série au soulevé de terre

par P. Debraux | 18 Avril 2018

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Le soulevé de terre est un exercice de musculation polyarticulaire qui fait partie des 3 mouvements imposés en Force Athlétique. Les mains sur une barre chargée posée au sol, les jambes fléchies, l'exercice consiste à soulever la charge par extension des chevilles, des genoux, de la hanche et du bas du dos, jusqu'à se retrouver en position debout, la barre tenue à bout de bras contre le corps. Puisque le soulevé de terre recrute de grands groupes musculaires et que les charges déplacées sont importantes, il fait partie de nombreux programmes d'entraînements visant à augmenter significativement la force des membres inférieurs, des muscles du bassin, des érecteurs du rachis et le volume musculaire. C'est également un exercice fortement conseillé pour les personnes souffrant de maux de dos d'origine mécanique, qui pourront bénéficieront d'une amélioration de l'endurance et de la force musculaires induits par cet exercice au niveau de la chaîne postérieure (lire notre article sur ce sujet).

Il existe différentes variantes du soulevé de terre : i) le soulevé de terre traditionnel qui consiste à garder la largeur de l'appui podal égale ou inférieure à la largeur des épaules ; ii) le soulevé de terre dit sumo avec où l'appui podal est très largement supérieur à la largeur des épaules afin de faire intervenir les adducteurs et le muscle gracile et de diminuer le travail mécanique en diminuant le déplacement vertical de la barre ; et enfin iii) le soulevé de terre avec barre hexagonale qui permet d'aligner le centre de masse du corps avec celui de la barre, de diminuer les forces de cisaillement au niveau du bas du dos et d'augmenter l'action musculaire des extenseurs du genou (lire nos articles sur le sujet ici et ). Outre ces variantes, la façon de réaliser l'exercice et d'enchaîner les répétitions est également d'une grande importance. Dans les salles d'entraînement, deux styles sont apparus : la pause entre chaque répétition avec une inertie de barre nulle à chaque nouvelle phase concentrique et le rebond de la barre au sol permettant de diminuer la durée d'une série et de potentiellement soulever plus lourd. Mais quels sont les impacts cinématique et cinétique de ce rebond en comparaison à une pause complète entre chaque répétition ?

L'étude réalisée

Pour répondre à ces questions, des chercheurs américains ont comparé des paramètres cinématiques et cinétiques lors de l'exécution d'un soulevé de terre traditionnel lors d'une série avec rebond de la barre entre chaque répétition et lors d'une série sans rebond. Pour cela, les chercheurs ont recruté 20 pratiquants de musculation (1RM = 165.8 ± 35.9) à qui ils ont demandé d'effectuer une série de 5 répétitions à 75% 1RM dans chaque condition.

Le protocole consistait en deux sessions de test. Lors de la première séance, tous les pratiquants ont évalué leur 1RM. Lors de la seconde séance, ils ont réalisé deux séries de 5 répétitions, une dans chaque condition. Pour évaluer clairement les différences entre ces deux façons de réaliser une série au soulevé de terre, les chercheurs ont utilisé des caméras optoélectroniques (Vicon) et des plateformes de force pour une analyse biomécanique de l'impact du rebond. Ainsi, les paramètres retenus pour l'analyse du mouvement étaient : l'impulsion du moment de force articulaire net au niveau de la cheville, du genou et de la hanche, le travail mécanique articulaire au niveau de la cheville, du genou et de la hanche, les forces de réaction verticales moyennes et l'impulsion des forces de réaction verticales. Ces paramètres étaient étudiés lors de la phase de rebond (c'est-à-dire, entre le contact de la barre au sol et une diminution soudaine de la vitesse de barre indiquant la hauteur maximale atteinte grâce au rebond, voir Fig. 1) et de la phase concentrique complète. De plus, les angles articulaires de la cheville, du genou et de la hanche ont été mesurés lors de la hauteur maximale atteinte par la barre suite au rebond. La série avec rebond était réalisée avant la série sans rebond pour déterminer la hauteur atteinte par la barre grâce au rebond afin de comparer les deux conditions sur cet instant.

Position et vitesse de la barre au soulevé de terre lors d'une répétition avec rebond

Figure 1. Position et vitesse de la barre au soulevé de terre lors d'une répétition avec rebond.

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude montrent que lors de la série avec rebond entre chaque répétition, les différents paramètres biomécaniques sont significativement réduits lors de la phase concentrique initiale (ie, lors du rebond) et que l'écart reste important sur toute la phase concentrique (Table 1). En effet, le travail mécanique, l'impulsion du moment articulaire net, l'impulsion des forces verticales de réaction au sol sont significativement plus faibles lorsqu'il y a rebond de la barre au sol. Seules les forces verticales de réaction au sol moyennes sont plus importantes lors du rebond. Cela pourrait s'expliquer par le fait que l'athlète doive "attraper" la barre juste après le rebond, lorsque celle-ci perd en vitesse verticale, afin de continuer à monter la barre. Les articulations de la hanche, du genou et de la cheville étant plus fléchies, indiquerait que l'activation musculaire n'est pas maximale à ce moment. D'où un effort musculaire plus important pour éviter que la barre ne redescende, et pour continuer le mouvement ascendant. Cela signifie que pour une même charge, le rebond permet de monter la barre avec moins d'efforts, que ce soit lors de la phase spécifique au rebond ou sur toute la phase concentrique (ce qui est confirmé par les mesures d'effort perçu des participants à l'étude).

Ces résultats montrent également que les articulations de la cheville et du genou contribuent moins à la montée de barre lors de la condition avec rebond. En pratique, le rebond mettrait ainsi plus l'accent sur les extenseurs de la hanche plutôt que les extenseurs du genou. Cela se comprend aisément puisque si la barre est inerte au sol, les muscles extenseurs de la cheville et du genou devront travailler beaucoup au début du mouvement plus pour appliquer une accélération à la barre, alors que dans le cas du rebond, la barre aura déjà gagné une certaine quantité de mouvement lorsque l'athlète commencera à tirer réellement sur celle-ci pour continuer l'ascension, ainsi le travail initial au niveau de la cheville et du genou sera fortement diminué.

Applications pratiques

Cette étude démontre l'impact du rebond los du soulevé de terre traditionnel sur les performances mécaniques. Il est plus facile de déplacer une charge donnée en s'aidant du rebond de la barre au sol entre chaque répétition, que lorsque celle-ci est reposée systématiquement au sol. Ce qui signifie qu'avec le rebond, il est possible de soulever plus lourd. Toutefois, cette façon de faire implique que la force développée ne sera pas proportionnelle à la charge déplacée, ce qui veut dire que le stimulus sera moindre et les adaptations musculo-squelettiques le seront également. De plus, le rebond induit un changement dans le pattern de recrutement musculaire du soulevé de terre, diminuant le rôle des extenseurs de genou et de cheville pour mettre plus l'accent sur les extenseurs de hanche.

Malheureusement, cette étude n'a pas couplé ces mesures à des mesures électromyographiques afin d'observer les différences de pattern de contraction musculaire avec et sans rebond de la barre au sol. De plus, il serait intéressant de savoir si le placement technique de l'athlète n'est pas altéré par le rebond à chaque répétition, et au fur et à mesure que la fatigue s'installe dans la série. Le soulevé de terre est un exercice très intense physiquement qui nécessite un gainage du tronc, du bassin et de la ceinture scapulaire très fort. Le rebond altère-t-il ce placement technique ? L'athlète peut-il laisser rebondir la barre tout en gardant une tension musculaire importante ?

Références

  1. Krajewski K, LeFavi R and Riemann B. A biomechanical analysis of the effects of bouncing the barbell in the conventional deadlift. J Strength Cond Res Article in press, 2018.

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