"Peu importent les notes, en musique, ce sont les sensations produites qui comptent." disait Leonid Pervomayskiy (poète ukrainien du XXème siècle). C'est en effet bien connu, la musique peut avoir un impact fort sur nos émotions. Elle peut tout aussi bien nous rendre triste et mélancolique que joyeux et énergique. Plus justement, la musique accompagne nos émotions et les exacerbe. Et pour le sport, il semble qu'elle agisse comme un ergogène (c'est-à-dire, une substance qui permettrait une amélioration de la performance sportive).
L'effet de la musique sur la performance sportive a déjà été étudié. La majorité des études se sont portées sur la performance aérobie avec des résultats mixtes rapportant une amélioration sur la difficulté perçue de l'effort, une amélioration ou non des performances, voire même une diminution de la performance. Quelques études se sont intéressées au sport de force et ont rapporté également des résultats contrastés (amélioration de la puissance, augmentation ou pas du nombre de répétitions) dépendant principalement du choix de la musique (imposée ou pré-sélectionnée). Mais qu'en est-il lorsqu'une personne sélectionne le style de musique qu'elle préfère ? Quel est l'impact sur les performances lors d'un exercice de musculation ?
Pour tenter de répondre à ces questions, une équipe de chercheurs de l'université de Samford en Alabama a réuni des pratiquants de musculation qui ont réalisé une série de développé couché à l'échec, avec leur musique préférée et avec une musique qu'ils aimaient le moins. Pour cela, 12 pratiquants de musculation ont été recrutés (1RM = 127.9 ± 40.2 kg). Chaque pratiquant a eu le choix entre 6 genres de musique (Rock and roll/Hard rock, rap/hip hop, pop, R&B, country et dance/électronique) qu'il a classé de son genre préféré à celui qu'il appréciait le moins. Pour chaque genre préféré, les participants choisissaient 1 chanson parmi 5 classées au top 10 de l'année 2017. Une chanson était également tirée au sort parmi celles du genre le moins apprécié. Pour la musique préférée, onze participants ont choisi "Rap/Hip hop" et un, "Rock and roll/Hard rock". Pour la musique la moins appréciée, dix participants ont choisi "Country" et deux, "Dance/Electronique".
Tous les participants devaient réaliser deux séries de développé couché à 75% de leur 1RM (préalablement évalué) jusqu'à l'échec, avec leur musique préférée et avec la musique qu'il préférait le moins. Les deux séries étaient réalisées dans un ordre aléatoire pour tous les participants. De plus, lors de chaque série, les participants avaient pour consigner de maximiser la vitesse de chaque répétition. Un transducteur linéaire (GymAware) permettait de déterminer la vitesse et la puissance produite lors des trois premières répétitions. Enfin, après chaque série, la motivation était mesurée via une échelle analogue visuelle qui consistait en une ligne de 100mm allant de "pas du tout motivé" à "motivé au maximum". Les pratiquants devaient indiquer sur cette ligne comment ils ressentaient leur motivation pendant les séries.
Les principaux résultats de cette étude montrent qu'écouter sa musique préférée, en comparaison au fait d'écouter une musique non appréciée, permet un plus grand nombre de répétitions à l'échec en développé couché (Fig. 1), une plus grande motivation (Fig. 2), une plus grande vitesse (Fig. 3) et une meilleure production de puissance (Fig. 4).
Figure 1. Répétitions à l'échec en développé couché avec une musique préférée ou non-préférée.
Figure 2. Motivation après une série de développé couché avec une musique préférée ou non-préférée.
Un des mécanismes qui pourrait expliquer pourquoi le fait d'écouter la musique que l'on aime peut avoir un impact bénéfique sur les performances sportives est le principe de dissociation. Cela permettrait en fait de moins se concentrer sur la fatigue ressentie durant l'effort. En effet, plusieurs études ont déjà montré une diminution des scores de RPE lors d'efforts d'endurance ou de force. De plus, les scores de motivation sont nettement supérieurs à ceux observés lorsque les participants écoutent une musique qu'ils n'aiment pas. La meilleure motivation peut impacter sur l'envie de faire mieux et donc de fournir un effort musculaire supplémentaire. Enfin, les chercheurs évoquent également l'excitation qui pourrait être augmentée via l'écoute de la musique préférée, ce qui jouerait également sur l'effort fourni.
Figure 3. Puissance moyenne relative en développé couché avec une musique préférée ou non-préférée.
Figure 4. Vitesse moyenne en développé couché avec une musique préférée ou non-préférée.
Finalement, cette étude démontre simplement qu'écouter une musique que nous n'apprécions pas peut avoir un impact négatif sur les performances musculaires. Mais est-ce que la musique peut améliorer nos performances ? Ce protocole ne permet pas de le savoir. En effet, pour cela, il aurait tout simplement fallu que les participants réalisent une 3ème série sans musique, afin de connaître le nombre de répétitions à l'échec réalisées en condition contrôle. De plus, il aurait été intéressant que les chercheurs proposent une évaluation de la motivation avant la série à réaliser. Car le score recueilli après peut se trouver augmenté ou diminué tout simplement à cause de la performance réalisée (bonne ou mauvaise).
Ce qui est certain, c'est que la musique joue sur nos humeurs. Même si elle n'améliore pas nos performances, s'entraîner avec une musique que l'on aime semble nous donner plus d'énergie et de motivation. Et comme souvent le moral influence le physique, si la motivation vient à manquer à la salle à cause de la fatigue et du stress de la journée de travail, choisir une bonne playlist peut permettre de se remotiver et de travailler efficacement (en tout cas aussi bien qu'un jour de motivation "normale"). A l'inverse, il peut être intéressant de s'isoler grâce à nos écouteurs si la salle où l'on s'entraîne diffuse une musique que l'on apprécie pas du tout. Puisque comme le montrent les résultats de cette étude, une musique que nous n'apprécions pas a un impact réellement négatif sur nos performances (ici 2-3 répétitions en moins). Et nous ne le savons tous, une bonne ou une mauvaise séance se joue généralement à quelques répétitions réussies ou ratées…
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