Adoré ou détesté, le squat est peut-être l'exercice le plus populaire pour le travail musculaire des membres inférieurs, à l'instar du développé couché pour le haut du corps. Mouvement obligatoire en force athlétique, il fait également parti de nombreux programmes de renforcement musculaire pour les pratiquants loisirs et les athlètes de tous niveaux. Victime de son succès, il est accusé d'être dangereux et d'augmenter les risques de blessures au niveau du bas du dos et des genoux. Une bonne technique d'exécution est donc nécessaire pour limiter les blessures.
Toutefois, les consignes d'exécution données peuvent être plus ou moins néfastes et causer plus de mal que de bien. L'une de ces consignes portent généralement sur l'avancée des genoux lors de la flexion. Il est généralement recommandé de ne pas amener les genoux plus en avant qu'une ligne verticale imaginaire qui partirait de la pointe de pied (Fig. 1). Une étude américaine des années 70 a été la première à constater que les forces de cisaillement au niveau de l'articulation du genou étaient supérieures lorsque le genou avançait au-delà de cette ligne verticale (Fig. 2) en comparaison à un squat où les genoux limitaient leur déplacement à cette ligne (Fig. 1). En se basant sur ces seuls résultats, il est devenu la règle de conseiller de ne plus avancer les genoux.
Pourtant différentes études ont montré que le fait de restreindre le mouvement des genoux entraînait une augmentation des moments de force articulaire de la hanche. Il reste à savoir quelles modifications cinématiques ces positions de genoux entraînent sur le haut du corps. Et ainsi, permettre de mieux comprendre si cette restriction est pertinente ou non pour l'intégrité physique du sportif.
Pour tenter de répondre à ces questions, une équipe de chercheurs suisse a étudié et comparé la cinématique des membres inférieurs et du tronc de 30 sportifs lors de squats avec restriction de l'avancée du genou (Fig. 1) et sans restriction (Fig. 2), et cela sous différentes charges.
Figure 1. Squat avec avancée des genoux limitée.
Figure 2. Squat avec avancée des genoux libre.
Le protocole expérimental consistait à réaliser les deux types de squat avec des charges additionnelles de 0%, 25 et 50% de la masse corporelle. Pour chaque condition, les participants réalisaient 6 répétitions. Chaque essai était enregistré par un système de capture du mouvement tridimensionnel afin d'analyser précisément les mouvements articulaires de la cheville, du genou, de la hanche, du bas du dos et du tronc.
Les principaux résultats de cette étude montrent que pour le squat sans restriction au niveau de l'avancée du genou, l'amplitude de mouvement est significativement plus importante au niveau des articulations de la cheville et du genou et significativement plus réduite au niveau de l'articulation du buste relativement aux lombaires. En résumé, lorsque les genoux avancent au-delà de la pointe de pied, le haut du corps reste plus droit et les genoux et chevilles nécessitent plus de mobilité. De plus, lorsque l'avancée des genoux se restreint à la pointe de pied, le tronc a un mouvement plus important (se penche plus vers l'avant) ce qui entraîne probablement des contraintes plus importantes au niveau du bas du dos.
Enfin, l'augmentation de la charge provoque une augmentation de l'amplitude de mouvement de la cheville et des genoux et une diminution de celle de la hanche et du tronc. Pour déplacer la barre sur une trajectoire identique, ce sont les articulations distales plutôt que proximales qui interviennent. Les auteurs indiquent également que l'augmentation de la charge déplacée provoque également un raidissement de la colonne vertébrale.
Cette étude met en lumière la modification de la cinématique corporelle en fonction de la consigne du placement de genoux lors de la flexion d'un squat. Si le genou ne doit pas dépasser la pointe de pied, l'amplitude de mouvement du genou sera moins grande, et le buste se penchera plus en avant. Une étude de 2003 de Fry et al. a même montré que le moment de force au niveau de la hanche était bien plus important lorsque les genoux étaient limités dans leur déplacement vers l'avant. Or, cela pourrait conduire à des contraintes plus importantes sur le bas du dos, ce qui pourrait induire des risques de blessure plus importants.
Toutefois, ces études ne montrent pas clairement s'il est sain pour les genoux d'avancer vers l'avant, au-delà de cette ligne verticale imaginaire. La principale peur est d'augmenter les forces de cisaillement, et d'endommager les ligaments croisés antérieur et postérieur. Mais en 2001, Escamilla a montré qu'un squat à amplitude complète pouvait provoquer une tension allant jusqu'à 2700 Newton au niveau du ligament croisé postérieur, or chez un public de jeunes adultes sains, la limite de rupture de ce ligament est estimée à 4000 N en cisaillement. Concernant le ligament croisé antérieur, sa limite de rupture est estimée entre 1725 et 2160 N, or lors d'un squat avec flexion de genou entre 0 et 60°, la tension dans ce ligament varie entre 28 et 500 N.
Selon ces indications, pour un sujet sain, il semblerait préférable de ne pas conseiller de limiter l'avancée des genoux afin de ne pas augmenter les contraintes qui s'appliqueraient sur le bas du dos et qui pourraient causer beaucoup plus de dégâts. Finalement, avec une bonne technique, les ligaments croisés n'auraient rien à craindre. Quant à la profondeur de descente du squat, elle sera plus fortement dépendante des objectifs, de la mobilité, et de l'historique médicale de l'athlète car les forces de compression et de cisaillement augmentent avec la profondeur du squat. Un individu en rééducation d'une rupture des ligaments croisés pourra donc réaliser des squats mais en limitant la flexion du genou à 50-60°.
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