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Frédéric Marcérou, Préparateur Physique de Haut-Niveau

par Sci-Sport.com | 9 Décembre 2014

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Bonjour Frédéric, merci d'avoir accepté de répondre à nos questions. Peux-tu te présenter ?

F. Marcérou - Je m’appelle Frédéric Marcérou, j’ai 32 ans et je suis préparateur physique depuis 6 ans maintenant. Je suis spécialisé dans le rugby, et surtout dans le rugby à XIII. C’était mon sport de prédilection, j’ai eu la chance de jouer à un niveau correct ce qui m’a permis de créer mon réseau et de commencer à travailler comme préparateur physique. J’ai été 4 ans préparateur physique à Montpellier et cela fait maintenant deux années que je suis préparateur physique chez les Dragons Catalans qui est la seule équipe française 100% professionnelle. Nous jouons dans une compétition qui se nomme la Super League, c’est une sorte de championnat professionnel de l’hémisphère nord de l’Europe. Elle comprend 14 équipes, 13 anglaises et une française, ce sont les 14 meilleures équipes européennes.

Avec les Dragons Catalans

Figure 1. Avec les Dragons Catalans.

J’ai une licence STAPS en management du sport. Après cette licence, je me suis aperçu que ce qui m’intéressait le plus c’était le terrain, l’entraînement, les sportifs. J’ai donc refait une licence STAPS Entraînement Sportif et l’expérience s’est avérée concluante, c’était vraiment la voie qui me convenait le mieux. J’ai donc continué sur une première année de Master Ingénierie de la Performance option Préparation Physique à l’UFR STAPS de Montpellier et en même temps sur les conseils d’un de mes profs, je me suis inscrit au BP JEPS AGFF mention force sur la même année. Mais au bout de deux mois de Master et de BP où j’essayais de conjuguer les deux, je me suis aperçu que les contenus du Master ne me convenaient pas contrairement au BP. Je suis vraiment attiré par le domaine de la force, de la puissance et de la force-vitesse. Le BP avec ces cours de musculation plus présents et un stage en salle de musculation, cela me plaisait et me convenait beaucoup plus. Et en prenant en compte le prix de la formation BP, j’ai abandonné le Master à la fin du 1er semestre pour me consacrer uniquement au BP.

Enfin, j’ai deux diplômes en Rugby à XIII, le diplôme d’entraîneur fédéral niveau 2 et j’ai un brevet d’état second degré de rugby à XIII, tous les deux obtenus en 2010.

Quelles étaient tes motivations pour t'orienter vers la préparation physique ?

F. Marcérou - Déjà en tant que sportif, j’aimais beaucoup m’entraîner, je me suis toujours donné à 100%. J’ai toujours cherché à connaître mes records, mes performances. J’ai été intéressé par l’amélioration. Et je suis parti vers la préparation physique car j’aime l’amélioration des qualités physiques des athlètes. Je ne me voyais pas du tout faire coach perso pour un public non athlète. Pourtant j’en ai fait un peu pendant 3 ans en salle, lorsque j’étais préparateur physique à Montpellier. Je travaillais à mi-temps dans une salle de sport. Et déjà là, j’étais plus axé avec des clients sportifs qui recherchaient la performance sportive.

Peux-tu nous expliquer la particularité du rugby à XIII par rapport au rugby à XV ou au rugby à VII ?

F. Marcérou - Alors, le rugby à VII est en fait une variante du rugby à XV, donc il se joue avec quasiment les mêmes règles. Ce qui change entre le XV, le VII et le XIII, c’est que lorsqu’il y a un plaquage, il y a regroupement, le joueur qui est plaqué est obligé de lâcher le ballon. Ses coéquipiers sont obligés de garder ce ballon, de protéger cette libération du ballon, et donc ils peuvent avoir autant de temps de jeu qu’ils veulent du moment qu’ils conservent ce ballon. C’est ce point de contact qui fait toute la différence. En rugby à XIII, quand on est plaqué, il y a une condition. Le joueur plaqué doit avoir le bras porteur du ballon qui touche le sol. A partir de ce moment, les défenseurs doivent le lâcher et l’attaquant se relève, talonne le ballon et le jeu repart. Il y a un peu moins de conquête et de compétitions au moment du plaquage. Par contre, nous avons le droit de nous faire plaquer 6 fois. Si on se fait plaquer une 6ème fois, on rend le ballon à l’adversaire à l’endroit où on s’est fait plaqué. Alors qu’à XV, tant que l’équipe assure la protection du ballon à chaque point de contact, elle peut conserver le ballon autant de fois qu’elle veut. C’est notre principale différence, nous n’avons pas de touches, pour nous, ce sont des mêlées. Sur un point de vue analyse de la discipline, il y a moins de temps mort et plus de temps de jeu effectif, notamment à haut-niveau. Il y a une grosse différence avec le rugby à XV à ce niveau. Il y a plus de passes, plus d’essais, moins de jeu au pied car on sait qu’on peut le garder 6 fois si on ne fait pas de fautes. On remonte le ballon à la passe, et on essaye d’avancer le plus sans faire de fautes.

Avec Sonny Bill Williams des Sydney Roosters, Nouvelle-Zélande, lors de la coupe du monde 2013 de Rugby à XIII

Figure 2. Avec Sonny Bill Williams des Sydney Roosters, Nouvelle-Zélande, lors de la coupe du monde 2013 de Rugby à XIII.

Lors de ton passage à Montpellier, avais-tu le même rôle en tant que préparateur physique que chez les Dragons Catalans aujourd’hui ?

F. Marcérou - Non, c’était presque totalement différent car Montpellier est un club amateur où il y avait seulement 4 ou 5 professionnels, la dernière année il y en avait 8, essentiellement des étrangers que nous faisions venir en France. Le reste des joueurs était rémunéré très peu, avec surtout des primes de déplacement. C’étaient des personnes qui avaient un travail à côté. Moi, j’étais préparateur physique des joueurs pendant 4 ans, j’ai été aussi entraîneur pendant 1 an. Les entraînements se faisaient le soir, 3 fois par semaine, les joueurs allaient à la musculation de leur côté. Certains n’y allaient pas, par manque de temps. Je leur donnais leur programme qu’ils faisaient ou non, certains faisaient les leur, en fait, ils faisaient un peu comme ils voulaient. C’était donc beaucoup moins professionnel. Mais malgré cela, c’était une super expérience, car cela permettait de se confronter à la tâche du métier de préparateur à un niveau amateur / semi-professionnel.

Quand le club des Dragons Catalans m’a recruté, grâce notamment à Keegan Smith, j’avais 4 fonctions. La première était d’assurer la réathlétisation des joueurs au sein du club professionnel. Donc dès qu’un joueur était blessé et ne prenait pas part à l’entraînement ou à une partie de l’entraînement, il était avec moi sur le côté. Ma seconde fonction était d’être le responsable de la préparation physique du pôle formation Ambition Dragons, avec environ 15 jeunes. Ma troisième fonction était d’assister le préparateur physique en chef dans ses fonctions auprès de l’équipe professionnelle, donc quand nous avions peu de blessés ou que je n’avais pas d’entraînement avec les jeunes, j’assistais le préparateur physique en chef. Et ma quatrième et dernière fonction était d’assurer la préparation physique de l’équipe junior qui possédait un préparateur physique, et j’y allais une fois par semaine pour superviser ce qui se faisait et discuter de l’évolution. C’était mon premier contrat avec les Dragons, qui s’est transformé en contrat de préparateur physique en chef en janvier dernier.

Et juste avant, et en parallèle, j’ai fait un passage en tant que préparateur physique de l’équipe de France. Comme les Dragons Catalans est le seul club professionnel français, sur 24 joueurs il y avait au moins 17 joueurs avec qui je travaillais déjà. Donc l’entraîneur en chef souhaitait avoir un entraîneur assistant des Dragons pour faire la continuité, et comme j’étais préparateur physique assistant, ils m’ont proposé de prendre ce rôle et de me donner plus de responsabilités. Donc j’ai fait la Coupe du Monde en octobre et novembre 2013. Nous avons perdu en quart de finale contre l’Angleterre, mais cela a été une super expérience.

Avec ton expérience, notamment au niveau de la réathlétisation, est-ce qu’aujourd’hui tu fais attention à certaines choses à mettre en place dans ta préparation physique pour justement éviter les blessures ?

F. Marcérou - Oui, absolument. Même si aujourd’hui cela s’améliore, car de plus en plus d’universités proposent des cours en réathlétisation et en prévention des blessures, dans ma formation, cela m’a manqué. Quand je faisais mes programmes avant, je mettais de l’échauffement, de la proprioception, du gainage, etc. J’essayais d’équilibrer le travail agoniste / antagoniste. Mais depuis que j’ai fais de la réathlétisation, je me suis aperçu que c’était vraiment une grosse partie du travail pour éviter d’avoir des joueurs blessés en fin de semaine pour les matches. Il fallait que je sois un peu moins axé sur le développement des qualités physiques tout le temps et que je mette plus de séances spécifiques de prévention. Aux Dragons, par exemple, 1 fois par semaine, les joueurs sont avec l’équipe médicale où ils font une séance personnalisée de prévention des blessures. Et dans mes programmes, une certaine partie du travail est dédiée à de la prévention collective.

Par exemple, nous avons eu en début de saison pas mal de blessures musculaires. Nous avons eu des blessures aux ischio-jambiers sur 2-3 semaines. J’ai retiré du travail de développement des qualités physiques, et j’ai ajouté des séances préventives en m’adaptant aux blessés.

Qu’est-ce que tu utilises comme tests et matériels d’évaluation au cours d’une saison avec tes joueurs ?

F. Marcérou - Je suis assez "vieille école", je n’utilise pas de matériels de haute technologie, pour l’instant. Mais si j’ai le budget, je vais probablement investir. Pour ce qui est des tests, il y a les tests fonctionnels mis en place par notre kinésithérapeute. Moi, je m’occupe principalement des tests de force, de force maximale. J’utilise le Structural balance de Charles Poliquin pour voir s’il y a des déséquilibres entre certains groupes musculaires, afin de contrebalancer cela et d’éviter les blessures. Je fais également des tests de vitesse en ligne droite et spécifiques au rugby, avec des accélérations, des changements de direction, des allers-retours, etc. J’utilise le Yo-Yo Test également.

Au niveau du matériel, j’utilise des cellules pour les tests de vitesse, l’application e-Tester Pro pour le Yo-Yo Test via mon smartphone. Ensuite, pour les tests de force maximale, je me base principalement sur le 1RM. J’utilise un tapis de type Bosco pour évaluer la détente verticale, cela me permet de tester l’explosivité de l’athlète mais également de monitorer l’état de fatigue. En général, pour ce test de saut, je fais cela deux jours avant le match. Je fais des moyennes sur le mois pour contrôler les niveaux de fatigue. Dans le même objectif, j’utilise un test de grip avec dynamomètre. Bien sûr, je ne me base pas que sur cela pour choisir les joueurs.

Pratique ce que tu prêches

Figure 3. "Pratique ce que tu prêches".

Peux-tu nous parler de ton blog : FMStrength ?

F. Marcérou - Lorsque j’ai signé aux Dragons Catalans, le préparateur physique en chef venait de faire un blog, lui son but c’était de partager le plus posssible pour que les gens s’entraînent mieux et qu’il y ait un maximum d’informations partagées. Moi, je trouvais ça super, je suis vraiment pour le partage d’expérience. J’ai une approche hollistique de l’entraînement. Quand je reçois un joueur, j’essaie de savoir d’abord quel est son style de vie, ses motivations, est-ce qu’il se couche tôt ou tard, est-ce qu’il mange bien ou non, etc. Cela me donne beaucoup de renseignements sur la personne. Je n’ai pas de diplôme en nutrition mais c’est une grosse passion pour moi. J’essaie donc d’orienter mes joueurs au mieux.

Mon blog, c’était pour partager mon expérience, ma philosophie, ma façon de voir les choses. Après je me suis beaucoup centré sur l’entraînement de la force et de la puissance, car ce sont ces secteurs sur lesquels je me sens le plus à l’aise. En France, il n’y avait pas beaucoup d’entraîneurs ou de préparateurs physiques qui partageaient leurs expériences. Et puis c’était également parti des constats que j’avais pu faire lorsque je bossais en salle de musculation : il y a vraiment des mythes, des croyances "ancestrales" qui existent encore, et qu’il faut combattre. J’essayais d’orienter les pratiquants vers les bonnes méthodes, mais ce n’est pas toujours facile surtout avec des pratiquants "expérimentés" qui ne se remettent pas en cause parfois.

Je suis justement ouvert à toute nouvelle chose, je suis allé au Québec chez Lisandro Araneda, par exemple. J’y ai passé un mois, cela m’a appris beaucoup de choses. Cela sortait de tout ce que j’avais pu voir en formations. J’ai été également suivre une formation avec Charles Poliquin.

Qu'est-ce qui te passionne dans ton métier ? Et qu'apprécies-tu le moins ?

F. Marcérou - Je pourrais dire tout (rire). Ce qui me passionne vraiment c’est d’aider les gens à atteindre leurs objectifs. C’est génial quand j’ai un athlète en face de moi qui veut progresser sur un point particulier. Cela devient un défi pour moi, c’est très valorisant. J’adore m’entraîner, grâce à mon métier, je peux continuer à le faire, à faire de bonnes performances et par ce biais j’essaie de motiver mes joueurs pour qu’ils se dépassent. Je pratique ce que je prêche.

Avec Charles Poliquin

Figure 4. Avec Charles Poliquin.

Ce qui me plait le moins, ce qui me fait enrager. Lorsque tu donnes les moyens aux personnes de progresser et qu’elles ne le prennent pas en compte en préférant rester dans leur style de vie. C’est le plus frustrant pour moi.

Quels sont tes conseils pour les étudiants qui souhaiteraient s'orienter vers la préparation physique ?

F. Marcérou - Je pense qu'il faut aller voir en dehors des formations qu’on leur dispense, en lisant des livres, par exemple. Cela va vraiment les aider. Je suis allé au Québec pour rencontrer Lisandro Araneda, Charles Poliquin, j’ai suivi la formation d’Olivier Bolliet. Il faut aussi montrer l’exemple, savoir trouver le moyen de motiver les sportifs. Je pense qu’il faut savoir s’entourer de personnes compétentes qui ont des expériences à partager, et puis cela permet de créer son réseau. Car c’est un point très important pour le métier de préparateur physique. Il faut savoir se forger sa propre expérience, sortir des sentiers battus. Au niveau des formations, je pense que le STAPS reste la base, cela permet d’apprendre des matières comme la physiologie, l’anatomie, la biomécanique pendant 3 années. Ce qui est toujours mieux que sur 7 mois avec un BP JEPS…

Quelle est ta conception de la relation entre recherche scientifique et le sport performance / de haut-niveau ?

F. Marcérou - Je suis assez méfiant avec les études scientifiques, j’en lis très peu. En fait, je laisse les autres lire, et faire leur protocole à partir de leurs lectures. Je m’inspire des entraîneurs renommés et j’essaie de faire à ma sauce ensuite. Je vois qu’il y a beaucoup d’études avec comme publics testés des étudiants ou des gens lambda. Mais qu’est-ce que je peux tirer de ce type d’étude pour des athlètes de haut-niveau ? Je trouve donc cela difficile de se baser sur une étude pour établir son entraînement. Maintenant, je suis bien conscient que si la science n’était pas là, nous en serions encore à l’époque préhistorique de la préparation physique. C’est ma vision des choses, je préfère juste me baser sur le terrain, des essais-erreurs et des entraîneurs renommés qui ont créés un système d’observation basé sur leurs expériences.

Merci Frédéric d’avoir accepté de répondre à nos questions !

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