De plus en plus de personnes montrent un intérêt croissant pour les handisports, alors que paradoxalement cet intérêt reste malheureusement limité du côté des médias... De nombreuses études scientifiques se sont intéressées aux personnes atteintes de blessures au niveau de la moelle épinière. Elles avait pour objectif principal l'analyse des effets de l'entraînement sur la rééducation et sur les tâches quotidiennes, et généralement les exercices visaient à renforcer les capacités d'endurance musculaire plutôt que la force et/ou la puissance.
Les personnes atteintes de lésion au niveau de la moelle épinière montrent une réduction des performances athlétiques métabolique, cardio-respiratoire et neuromusculaire. Ces baisses de performance sont dépendantes du type de lésion et du niveau d'entraînement des athlètes. De ce fait, il existe peu de recommandations sur l'entraînement en force et en puissance chez athlètes en chaise roulante (paraplégique ou tétraplégique), et les effets d'adaptations à ce type d'entraînement sont méconnus. L'adaptation sera-t-elle inférieure ou similaire à celle de personnes sans handicap ?
Pour répondre à ces interrogations, deux chercheurs allemands ont comparé les effets d'un entraînement de 8 semaines en force et en puissance pour le haut du corps chez des athlètes en chaise roulante et chez des personnses sans handicap. L'entraînement consistait en 1 exercice de développé couché (5 séries de 12 répétitions à 70-85% du 1RM), en 2 séances hebdomadaires pendant 8 semaines.
Pour cette étude, 16 sujets ont participé : 8 d'entre eux étaient des athlètes atteints de lésions à la moelle épinière et les 8 autres étaient des étudiants en sciences du sport. Les athlètes handisport étaient tous des sportifs de haut-niveau impliqués dans le basketball ou le rugby-fauteuil au niveau national. Parmi eux, l'étude comptait 2 tétraplégiques et 6 paraplégiques, et tous pouvaient réaliser le protocole.
En plus du protocole de 8 semaines, tous les participants ont été évalués 3 fois : avant de commencer les 8 semaines, juste après, et une semaine après l'arrêt du protocole (le meilleur des deux derniers tests était retenu pour l'analyse). Les tests réalisés étaient les suivants :
Les principaux résultats montrent qu'après 8 semaines d'entraînement en force et en puissance du haut du corps (à raison de 2 séances par semaine), le groupe des athlètes handisport a significativement amélioré ses performances au niveau de l'accélération maximale, de la force maximale isométrique, du taux de développement de force maximal isométrique, du 1RM et de l'endurance de force. Les résultats principaux sont résumés dans la Table 1.
Table 1. Résultats (valeurs moyennes ± Ecart-type) des meilleurs tests avant et après le protocole de 8 semaines pour tous les participants (n = 16). | |||||||
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Athlètes handisport (n = 8) | Groupe contrôle (n = 8) | ||||||
Pre-Test | Post-Test | Différence | Pre-Test | Post-Test | Différence | ||
* Différence significative (p < 0.05) entre avant et après les 8 semaines de protocole. # Amélioration significativement supérieure (p < 0.05) pour les athlètes handisport. vMAX : Vitesse maximale lors du développé couché avec projection de la barre ; aMAX : Accélération maximale lors du développé couché avec projection de la barre ; t1 : Interval de temps des premiers 4mm lors du développé couché avec projection de la barre ; t2 : Interval de temps des premiers 8cm lors du développé couché avec projection de la barre ; FMAX : force maximale isométrique ; RFDMAX : Taux de développement de force maximal isométrique ; EF : Endurance de force. |
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vMAX (m·s-1) | 2.39 ± 0.2 | 2.49 ± 0.2 | + 4.2 % | 2.82 ± 0.2 | 2.93 ± 0.2 | + 3.9 % | |
aMAX (m·s-2) | 51.60 ± 14.1 | 63.00 ± 17.3* | + 24.6 % | 66.28 ± 11.2 | 69.38 ± 10.5 | + 5.9 % | |
t1 (ms) | 14.4 ± 5.0 | 11.14 ± 3.6 | - 19.8 % | 11.89 ± 2.6 | 10.75 ± 1.4* | - 7.4 % | |
t2 (ms) | 89.45 ± 16.7 | 78.45 ± 8.7 | - 11 % | 80.28 ± 8.8 | 77.14 ± 5.5 | - 3.5 % | |
FMAX (N) | 732.5 ± 113.7 | 958.2 ± 124.5* | + 31.6 % | 895.9 ± 188.2 | 1010.5 ± 100.6* | + 15.5 % | |
RFDMAX (N·ms-1) | 5.72 ± 0.5 | 9.73 ± 2.9* # | + 71.5 % | 9.31 ± 1.6 | 9.94 ± 1.7* | + 8.8 % | |
1RM (kg) | 77.90 ± 17 | 108.505 ± 29* # | + 38.6 % | 89.31 ± 24 | 104.63 ± 26* | + 18.5 % | |
EF (répétitions) | 24.80 ± 7.8 | 41.30 ± 4.8* | + 78 % | 23.50 ± 2.9 | 36.80 ± 6.0* | + 57 % | |
Sprint 10m (s) | 4.34 ± 0.4 | 4.26 ± 0.2 | - 6.2 % | - | - | - |
Seules les améliorations au 1RM et au RFDMAX du groupe Handisport ont été significativement supérieures à celles du groupe d'étudiants. Cela peut s'expliquer par le niveau de départ assez bas pour le groupe d'athlètes handisport. Cependant, ce manque de différences significatives dans la plupart des variables mesurées montre principalement que pour des athlètes paraplégiques ou tétraplégiques, l'adaptation à un entraînement de force et de puissance est similaire à celle de personnes ne présentant aucun handicap.
Concernant le temps au sprint sur 10m, les athlètes handisport ont amélioré leur temps de 6.2% en moyenne. Le niveau de significativé était presque atteint (p = 0.058). Cela montre tout de même l'intérêt pour ces athlètes d'intégrer un entraînement de musculation relativement lourd dans leur préparation physique, car les efforts en baskteball ou en rugby-fauteuil sont généralement très brefs et intenses. L'échantillon de sujets étant relativement faible, il aurait été intéressant que les auteurs calculent l'effet de taille. Il aurait permet d'estimer l'impact du protocole sur la performance au sprint en chaise roulante.
Malgré des capacités physiologiques réduites, cette étude montre que des athlètes handisport peuvent bénéficier des mêmes gains que des personnes ne souffrant d'aucun traumatisme. Il semble donc intéressant d'intégrer un entraînement de force et de puissance dans la préparation physique des athlètes handisport. Néanmoins, les résultats à attendre d'un tel protocole seront entièrement dépendants du niveau de lésion de la moelle épinière, du niveau d'entraînement et du temps écoulé depuis la blessure du sportif.
Ainsi, les entraînements devront être entièrement personnalisés et adaptés au niveau de handicap du sportif. De plus, cette étude a choisi volontairement un seul exercice pour le haut du corps, le développé couché, mais il est possible et même conseillé d'exécuter des exercices qui feront travailler les muscles antagonistes (exercices de tirage) et des exercices complémentaires pour protéger les épaules d'un déséquilibre musculaire (renforcement de la coiffe des rotateurs).
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