La force musculaire a un impact positif sur la santé et la fonction physique à tout âge. Elle est inversement liée à diverses comorbidités et au risque de mortalité toutes causes confondues, même chez les jeunes adultes. Cette force a toutefois tendance à décliner avec l'âge (environ 1% par an), de façon plus marquée dans les membres inférieurs et après 60 ans. Heureusement, l'entraînement de musculation peut améliorer efficacement la force musculaire ou ralentir son déclin, en particulier chez les seniors. C'est la raison pour laquelle, le renforcement musculaire est une activité recommandée dans les directives mondiales en matière de santé et d'activité physique. Cependant, il est relativement difficile d'étudier les effets à long terme de l'entraînement de la force en raison de contraintes de temps, financières et de régularité des participants, ce qui explique la rareté des interventions d'une durée supérieure à un an.
Dans le domaine de l'entraînement de la force, les données obtenues auprès de populations générales non sportives concernent souvent un entraînement de musculation à dose minimale, impliquant généralement des régimes d'entraînement modestes, comme une séance par semaine. Ces études ont révélé des gains de force significatifs sur plusieurs années, mais une part considérable de ces gains a tendance à se produire au cours de la première année. Bien qu'instructifs, ces résultats ne représentent pas pleinement le potentiel d'adaptation de la force réalisable grâce à des régimes d'entraînement plus rigoureux et plus ciblés. Cette lacune souligne la nécessité d'étudier d'autres populations comme les athlètes des sports de force. Parmi eux, les powerlifteurs, qui excluent généralement d'autres formes d'activité physique, comme l'entraînement d'endurance, se concentrent exclusivement sur le développement de la force maximale. Ce haut niveau de spécificité dans l'entraînement fournit un excellent contexte pour comprendre les limites supérieures et la dynamique de l'adaptation de la force. L'étude des powerlifteurs offre également un aperçu des effets chroniques de l'entraînement de force à haute intensité, ce qui constitue une différence significative par rapport aux modèles observés dans les populations non athlétiques.
Même si la force a tendance à diminuer avec l'âge, le taux et l'ampleur de ce déclin dans le contexte d'un entraînement de force à haute intensité, tel que celui entrepris par les athlètes de powerlifting, ne sont toujours pas pleinement compris. Comment la force des powerlifteurs évolue-t-elle avec le temps ? Le déclin de la force lié à l'âge se produit-il au même rythme chez les athlètes de force que chez les personnes sédentaires ou actives ? Comment la participation chronique à l'entraînement de la force affecte-t-elle le potentiel d'adaptation tout au long de la vie, et quelles informations peuvent être obtenues pour soutenir la généralisation et la promotion de l'entraînement de la force musculaire ?
Pour tenter d'apporter des réponses à ces questions, des chercheurs ont réalisé une analyse longitudinale rétrospective en utilisant les données de l'Open Powerlifting. Pour cela, les auteurs ont limité leur étude à l'ensemble des données de l'International Powerlifting Federation (IPF), et ont filtré cet ensemble de données pour n'inclure que les épreuves ouvertes et sans équipements aux squat, développé couché et soulevé de terre. L'analyse a été limitée aux athlètes ayant participé à un minimum de trois compétitions afin de permettre l'analyse des modèles de croissance. Après ce filtrage, l'ensemble des données comprenait 46 066 observations sur 9 259 powerlifteurs uniques pour une période allant jusqu'à environ 17 années de compétition.
Les principaux résultats de cette montrent que la vitesse d'adaptation de la force ralentit avec le temps. Les gains de force les plus significatifs en powerlifting sont observés au cours de la première année, avec une augmentation d'environ 7.5 à 12.5% par rapport au niveau de force de base. Après 10 ans, les gains de force sont de l'ordre de 20 % par rapport au niveau de base. Malgré la diminution des bénéfices au fil du temps, l'amélioration soutenue ou au moins le maintien de la force tout au long de la vie est considéré comme crucial pour la santé globale de la population. Un entraînement de musculation régulier permet de contrer la faiblesse musculaire et la fragilité physique, améliorer la performance physique, la qualité de vie, le bien-être psychologique, et réduire le risque de chutes et de fractures chez les personnes âgées. Il favorise également la santé mentale, le bien-être social et peut réduire le stress chez certaines personnes.
Concernant l'effet de l'âge sur l'évolution de la force, les athlètes plus jeunes, hommes et femmes, présentent des améliorations de la force plus importantes que les athlètes plus âgés. Ceci est attribué à la croissance et au développement physiques continus et probablement à un âge d'entraînement plus faibles chez les athlètes junior. Les gains de force chez les enfants et les adolescents sont en grande partie dus à des adaptations neuronales. Il a été démontré que la force pouvait s'améliorer de 30 à 50 % après seulement 8 à 12 semaines d'entraînement.
Les athlètes âgés entre 40 et 59 ans améliorent encore leur force après ~14.4 années d'entraînement. Les femmes, en particulier dans les catégories Masters plus âgées (> 59 ans), continuent à montrer des améliorations de la force de l'ordre de 2.5-5%. Cette amélioration continue de la force chez les femmes plus âgées pourrait être due à leur force de départ plus faible, ce qui leur donne un plus grand potentiel d'adaptation. Alors que chez les powerlifteurs masculins de plus de 59 ans, un déclin de la force d'environ 0.35% par an est observé.
Ainsi, vieillir, mais surtout l'inactivité physique, a un impact négatif sur la fonction et la force des fibres musculaires. Le renforcement musculaire tout au long de la vie semble protéger contre ce déclin de la force, ce qui crucial si l'on considère qu'une faible force musculaire est un prédicteur majeur de la mortalité chez les personnes âgées.
Concernant l'effet du sexe sur l'évolution de la force, même si en termes de force absolue, les hommes sont plus forts que les femmes, celles-ci augmentent leur force maximale de manière plus rapide que les hommes, lorsque leur niveau de base est pris en considération. Cette tendance des femmes à gagner en force relative plus rapidement se retrouve dans l'évolution sur les 3 mouvements du powerlifting (squat, développé couché et soulevé de terre).
Enfin concernant l'effet de la catégorie de poids sur l'évolution de la force, des progressions plus lentes ont été observées dans les catégories de poids les plus lourdes. Lorsque les niveaux de force relative sont pris en compte, les compétiteurs plus légers des deux sexes sont généralement plus forts. Cela suggère que les individus plus légers pourraient avoir un plus grand potentiel d'augmentation de la force ou que le plus grand pourcentage d'augmentation de la force serait dû au fait que leurs charges absolues sont généralement plus légères... Toutefois, ces conclusions restent spéculatives, car il y a un manque de preuves directes dans la littérature pour expliquer cela.
Basée sur une population d'athlètes spécialisés dans le développement de la force maximale, cette étude fournit des indications précieuses sur la manière dont la force augmente, en tenant compte des influences biologiques et morphologiques telles que l'âge, le sexe et le poids corporel. Alors que les résultats concernent spécifiquement les athlètes de force, ils servent également de modèle pour le grand public, démontrant qu'un entraînement régulier en force permet de lutter contre les effets délétères du vieillissement et de l'inactivité physique, aussi bien chez l'homme que chez la femme.
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