Depuis plus de dix ans, l’engouement pour les activités physiques à haute intensité est devenu très important. De nombreuses études ont démontré les bienfaits sur la santé et la performance sportive des efforts à haute intensité. Parmi ces activités, le cross-training (c’est-à-dire, le mélange de différentes activités physiques et de différents types d’effort en une seule et même séance) est devenu très populaire grâce à l’apparition du CrossFit dans les années 2000.
Avec plus de 13000 salles affiliées à la marque, le CrossFit est aujourd’hui un sport à part entière. Il implique des épreuves d’haltérophilie, de gymnastique, d’endurance cardio-vasculaire, et autres. Toutes ses activités sont mélangées en une séance (le "WOD", Workout Of the Day) et sont réalisées à haute intensité avec peu ou aucune période de repos. L'arrivée de cette marque dans le milieu du fitness, et du sport de manière générale a généré de forts antagonismes et le CrossFit a été souvent accusé d'être une pratique dangereuse et inadaptée. Mais qu'en est-il vraiment ?
Pour répondre à cette question, une équipe de chercheurs américains ont réalisé une revue systématique sur les bénéfices et les risques du CrossFit comme activité à haute intensité. Pour cela, les chercheurs ont consulté les bases de données médicales en cherchant les mots-clés "CrossFit" et "Entraînement par Intervalles à haute-intensité" (HIIT, en anglais). Seules les études concernant le CrossFit et des pratiquants adultes étaient prises en compte. Sur 251 études, seules 13 études ont été retenues avec des échantillons allant de 10 à 1393 individus. Ces études tombaient dans deux catégories principales : celles décrivant les bénéfices du CrossFit et celles rapportant les taux de blessures.
IMPORTANT : Pour ces études, une blessure est "toute blessure survenue lors d'un entraînement empêchant l'athlète de s'entraîner, de travailler ou de participer à une compétition de n'importe quelle manière et pour n'importe quelle période de temps."
Quatre études ont étudié le taux de blessure en CrossFit. Sur 386 individus, une étude a observé un taux de blessure de 19.4%, avec une fréquence de blessures plus élevée pour les hommes que pour les femmes. Les blessures étaient principalement localisées principalement au niveau des épaules, du bas du dos et des genoux. Lorsqu'un entraîneur était impliqué, le taux de blessure était diminué. Les mêmes auteurs ont fait passer un questionnaire en ligne et sur 132 réponses, les blessures les plus courantes étaient localisées aux mêmes endroits. Les blessures au niveau de l'épaule comptaient pour 25% des blessures totales. De plus, une autre étude a montré qu'une blessure précédente multipliait les chances de récidive par 3.75. Enfin, une étude a observé le taux de blessures chez des militaires américains sur une période allant de 6 mois avant à 6 mois après la mise en place d'un nouveau programme d'entraînement (CrossFit et Ranger Athlete Warrior). Le taux de blessures était similaire à celui observé chez le groupe non-actif. Pour réduire le taux de blessures, les auteurs de cette étude ont proposé qu'il faudrait réduire les distances de course à pied et augmenter le renforcement musculaire.
Enfin, une étude publiée récemment, menée par des chercheurs hollandais, a également recueilli des données concernant les blessures lors de la pratique du CrossFit en Hollande. Plus de 550 personnes ont répondu au questionnaire, et 449 questionnaires ont été retenus pour analyse. Tous les questionnaires recueillis correspondaient à un pratiquant adulte (âge ≥ 18 ans) inscrit dans une box affiliée. Ces questionnaires ont révélé que 56.1% des athlètes (252) s'étaient blessés durant les 12 précédents le questionnaire, et que 15.2% (68 athlètes) ont subi plus de 2 blessures. Là encore, les blessures concernaient principalement les épaules (28.7%), le bas du dos (15.8%) et les genoux (8.3%). Parmi toutes ces blessures, 77.4% d'entre elles ont été diagnostiquées par un professionnel médical, et 58% des blessures totales étaient dues à une surutilisation. Le modèle statistique issu des données recueillies a mis en évidence que la durée de pratique pouvait influencer le risque de blessures. Ainsi les pratiquants ayant 0 à 6 mois de pratique auraient plus de chances de se blesser que les pratiquants plus anciens. Cela peut peut-être s'expliquer par une montée trop rapide en volume et/ou en intensité pour un débutant.
Concernant les études comparatives, 3 études ont comparé différents protocoles d'entraînement avec un entraînement de CrossFit. Une étude a observé le plaisir lié à la pratique en comparant un groupe pratiquant un entraînement combinant endurance et musculation avec un groupe pratiquant le CrossFit. Le plaisir lié à la pratique était significativement supérieur pour les pratiquants de CrossFit. Probablement dû à la diversité des séances, à la notion de "défi" et à l'effet de groupe. Une autre étude a observé un stress oxydatif (un reflet de l'intensité de l'effort) similaire lors d'une séance à haute intensité sur tapis roulant à un entraînement de CrossFit.
Enfin, durant un semestre universitaire, des chercheurs ont voulu comparer trois modes d'entraînement physique sur la forme physique (force, endurance, puissance musculaire et composition corporelle) chez 60 étudiants : un groupe pratiquait un entraînement de musculation sous la supervision d'un entraîneur, un autre groupe pratiquait également un entraînement de musculation fourni par un entraîneur mais sans aucune supervision ni suivi, et le troisième groupe pratiquait un entraînement de CrossFit. A la fin du semestre, les chercheurs ont observé une amélioration significative de la force et de la puissance musculaire pour le groupe avec entraîneur en comparaison aux deux autres groupes. Le groupe pratiquant le CrossFit a lui démontré une amélioration des différentes variables mesurées en comparaison au groupe sans supervision, mais sans gains supérieurs face au groupe de musculation sous supervision sur les tests proposés. La présence et le suivi d'un entraîneur jouent énormément dans l'évolution de la performance. En réalité, ce suivi est systématique dans une box de CrossFit, ce qui n'est pas le cas de la plupart des salles de musculation, à l'exception des individus payant pour un suivi personnel.
Pour déterminer les améliorations physiologiques qu'un entraînement de CrossFit pourrait fournir à des pratiquants de tout niveau, en 2013, une équipe de chercheurs a observé l'évolution du V02MAX et de la composition corporelle sur 10 semaines de pratique de CrossFit chez 43 pratiquants. En 10 semaines, la masse grasse corporelle a diminué de 3.7% et le V02MAX s'est amélioré de 11.8-13.6%. Il est à noter que tous les pratiquants suivaient un régime dit "paléolithique" (Lire le résumé complet de cette étude).
Comme toute activité physique et sportive, le CrossFit présente des risques pour le pratiquant. Mais le fait qu'il se pratique à haute-intensité n'implique pas des risques plus élevées qu'une autre activité (les risques sont similaires). Comme toujours, il est impératif que le pratiquant soit encadré de manière sérieuse car cela diminue le risque de blessures. Et dans le cas du CrossFit, il est impératif pour un pratiquant de s'initier et de pratiquer dans une box affiliée, où un encadrement professionnel peut permettre d'adapter les exercices et l'intensité au niveau du pratiquant. Concernant les bénéfices du CrossFit, sur la base des études observées, ils semblent similaires à ceux d'une activité à haute intensité pour les améliorations du V02MAX, de la force musculaire, de l'endurance cardio-vasculaire et de la masse maigre corporelle.
Malgré cela, les études sur le CrossFit sont encore trop peu nombreuses et la qualité scientifique de celles-ci est encore trop faible. La pratique étant par essence très complexe (chaque séance est différente, aucune compétition ne se ressemble, mise en place permanente de nouveaux exercices), les études sur le CrossFit doivent être précises et exhaustives, et réalisées de manière séparée avec des pratiquants débutants et avec des pratiquants de haut-niveau, pour que l'effet d'apprentissage n'altère pas les résultats observés. De plus, ces études doivent être comparatives pour permettre de comparer les effets de différentes activités physiques à haute intensité avec ceux obtenus grâce au CrossFit.
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