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Aliments ultra-transformés et Cancer

par A. Manolova | 21 Novembre 2023

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Depuis plusieurs décennies, le paysage alimentaire mondial a été radicalement transformé par l'explosion de la consommation d'aliments ultra-transformés. Ces aliments, qui comprennent un large éventail de produits tels que les boissons gazeuses, les snacks emballés, les produits à base de viande reconstituée et les plats prêts à réchauffer, se caractérisent par leur teneur élevée en additifs, en conservateurs et contiennent peu voire pas du tout d’aliments complets. Ils sont souvent très denses en calories, en glucides et en lipides, faibles en fibres et avec un taux élevé de sel. Il a été démontré que ces aliments poussaient à la surconsommation car l’effet de satiété était moindre qu’avec des aliments non-transformés (lire notre article sur le sujet). Les aliments ultra-transformés représenteraient plus de la moitié de l'apport calorique total dans de nombreux régimes alimentaires occidentaux, avec des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni en tête de peloton. Cette évolution vers des aliments hautement transformés ne serait pas seulement une tendance diététique, mais un changement fondamental dans notre façon de manger, motivé par les exigences d'un mode de vie rapide et axé sur la commodité.

Les conséquences de ce changement de régime alimentaire sur la santé sont alarmantes. De nombreuses études ont établi un lien entre la consommation élevée de ces aliments et une série de maladies chroniques, notamment l'obésité, les maladies cardiaques, le diabète et l'hypertension. Ainsi, une étude notable publiée en 2019 a examiné l'association entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de divers problèmes de santé. Les résultats ont révélé qu'une augmentation de 10 % de la proportion d'aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire était associée à des taux significativement plus élevés de maladies cardiovasculaires, coronariennes et cérébro-vasculaires. Une autre étude a montré que les personnes qui consommaient plus de 4 portions par jour de ces aliments avaient 50% plus de chances de mourir que des personnes n’en consommant pas (lire notre article sur le sujet).

Malgré les liens établis entre ce type d’aliment et diverses maladies chroniques, leur relation avec le risque de cancer est moins claire. Même si les maladies cardiovasculaires restent la cause principale de la mortalité dans le monde, le cancer les surpasse aujourd’hui dans les pays à revenus élevés. Dans le monde, le cancer est responsable d’un décès sur six. Il est estimé qu’environ 30 à 50% des cancers pourraient être évités grâce à des changements du mode de vie, y compris des ajustements alimentaires. Cependant, les connaissances sur l'impact spécifique des aliments ultra-transformés sur le développement du cancer et la mortalité restent limitées. En plus de la très mauvaise qualité nutritionnelle et de l’hyperdensité calorique, l’alimentation ultra-transformée pourrait être liée aux cancers via certains contaminants qui se formeraient lors des processus industriels, et par certains additifs et matériaux utilisés pour les emballages qui pourraient posséder des propriétés cancérogènes et/ou seraient des perturbateurs endocriniens. Alors que les taux de cancer continuent de grimper dans le monde entier, il est essentiel de comprendre le rôle potentiel des aliments ultra-transformés sur notre santé. Face à la facilité et à l'attrait des aliments ultra-transformés, quel est le risque de développer des graves problèmes de santé tel que le cancer ? Et quel est le risque d’en mourir ?

L'étude réalisée

Pour répondre à ces questions, des chercheurs ont réalisé une étude prospective à grande échelle en se basant sur les données issues du UK Biobank. Initié entre 2006 et 2010, le UK Biobank est une vaste base de données biomédicales et une ressource de recherche qui contient des informations génétiques et de santé détaillées sur plus de 500 000 participants au Royaume-Uni. Les chercheurs ont déterminé la part d’aliments ultra-transformés dans l’alimentation et ils ont étudié le lien entre la consommation de ces aliments et le risque de cancer, ainsi que la mortalité due au cancer.

Pour cela, l’étude a porté sur une cohorte de 197 426 participants (54.6% de femmes) à la UK Biobank, âgés de 40 à 69 ans, qui ont été suivis depuis leurs premières évaluations alimentaires sur 24 heures (5 au total) entre 2009 et 2012 jusqu'au 31 janvier 2021. Le régime alimentaire de ces participants a été analysé à l'aide du système de classification des aliments NOVA, qui classe les aliments en fonction de leur niveau de transformation. De plus, pour l’analyse, les chercheurs ont pris en compte de nombreuses variables, comme les caractéristiques sociodémographiques, tabagisme, niveau d'activité physique, indice de masse corporelle, consommation d'alcool et apport énergétique total.

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude montrent une augmentation notable du risque global de cancer en corrélation avec la consommation d'aliments ultra-transformés. Plus précisément, pour chaque augmentation de 10 % des aliments ultra-transformés par rapport à l'apport alimentaire total, une augmentation de 2 % de l'incidence globale de cancer était observée. Les aliments ultra-transformés constituaient une part importante de l'alimentation des participants, avec une moyenne de 22.9 %. L'étude est allée plus loin en identifiant des types de cancer spécifiques qui présentaient une association significative avec la consommation de ce type d’aliments. Le cancer des ovaires se distingue, avec un risque accru de 19 % (8-30%) pour chaque augmentation de 10 % de la consommation d'aliments ultra-transformés.

Au-delà de l'incidence du cancer, l'étude a également mis en lumière l'impact de la consommation des aliments ultra-transformés sur la mortalité liée au cancer, avec une augmentation de 6 % de la mortalité globale liée au cancer pour chaque augmentation de 10 % de la consommation de ce type d’aliments. Les taux de mortalité par cancer des ovaires et du sein sont nettement plus élevés, avec des augmentations respectives de 30 % et 16 % pour chaque augmentation de 10 % de la consommation d'aliments ultra-transformés. Tous ces résultats persistaient même lorsque les résultats étaient ajustés en fonction des différents facteurs socio-économiques, comportementaux et diététique.

Les auteurs suggèrent plusieurs mécanismes qui pourraient expliquer les associations observées entre la consommation d'aliments ultra-transformés et un risque accru de cancer et de mortalité liée au cancer. Tout d’abord, et le plus évident est l’infériorité de la qualité nutritionnelle des aliments ultra-transformés qui altèreraient les matrices alimentaires entraînant une dégradation de la biodisponibilité et de la bioaccessibilité des nutriments. Ensuite, puisque les aliments ultra-transformés favoriseraient l’obésité et le diabète de type 2 qui sont tous deux des facteurs de risque pour de nombreux types de cancer, y compris ceux du tube digestif et certains cancers liés aux hormones chez les femmes. De plus, les aliments ultra-transformés contiennent souvent des additifs alimentaires controversés, des contaminants néoformés issus de l'ultra-transformation et des substances toxiques qui peuvent migrer des emballages alimentaires. Par exemple, la cohorte NutriNet-Santé a indiqué qu'une consommation plus élevée d'édulcorants artificiels, que l'on trouve couramment dans ces aliments, était associée à un risque accru de cancer global, de cancer du sein et de cancer lié à l'obésité. De même, une consommation accrue de nitrates et de nitrites provenant d'additifs alimentaires a été associée à un risque plus élevé de cancer du sein et de la prostate. Enfin, ces aliments sont associés à une plus grande exposition à des produits chimiques perturbateurs du système endocrinien tels que les phtalates et les bisphénols, que l'on trouve dans les matériaux d'emballage alimentaire. Ces produits chimiques ont été associés à divers effets néfastes sur la santé, notamment des impacts potentiels sur le système endocrinien, des risques de cancer et des dommages neurologiques et immunologiques.

Applications pratiques

Cette étude souligne l'importance de faire attention à la quantité d'aliments ultra-transformés (UPF) dans notre assiette. Étant donné le lien établi entre la consommation de ces produits et l'augmentation des risques de cancer et de mortalité, en particulier pour les cancers de l'ovaire et du sein, il existe une incitation claire à adopter des régimes alimentaires riches en aliments peu ou non transformés. D’autant plus, que les résultats de cette étude font état d’une proportion égale à 22.9% entre 2009 et 2012. Dix ans plus tard, certaines études évoquent une part de plus de 30% en aliments ultra-transformés…

Du point de vue de la santé publique, il est nécessaire d'élaborer des lignes directrices et des politiques publiques qui encourageraient la production et la consommation d'aliments peu ou non transformés, dans le but d’améliorer ainsi l'état de santé général de la population. Car les produits ultra-transformés coûtent moins chers et profitent d’un marketing très agressif, ce qui favorise leur consommation excessive et contribue à l'augmentation des maladies non transmissibles telles que l'obésité et les maladies cardiovasculaires.

Références

  1. Chang K, Gunter MJ, Rauber F, Levy RB, Huybrechts I, Kliemann N, Millet C and Vamos EP. Ultra-processed food consumption, cancer risk and cancer mortality: a large-scale prospective analysis within the UK Biobank. eClinicalMedicine 56 : 1011840, 2023.
  2. Srour B, Fezeu LK, Kesse-Guyot E, Allès B, Méjean C, Andrianasolo RM, Chazelas E, Deschasaux M, Fiolet T, Hercberg S and Touvier M. Ultra-processed food intake and risk of cardiovascular disease: prospective cohort study (NutriNet-Santé). Br Med J 365 : l1451, 2019.

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